(Paris) Après de longs mois de réflexion et plusieurs reports, le président Emmanuel Macron a dévoilé dimanche son « modèle français de la fin de vie » : une « aide à mourir » qui doit permettre à certains patients, selon des « conditions strictes », de recevoir une « substance létale ».

Même si cet acte peut s’apparenter à une forme de suicide assisté, le président assure avoir voulu éviter ce terme, ou celui d’euthanasie, alors que le débat sur ce sujet agite la société française.

Le « consentement » du patient est indispensable et « la décision médicale a son rôle à jouer », « avec des critères précis », a-t-il souligné dans une interview conjointe aux journaux catholique La Croix et de gauche Libération.

Les patients majeurs, « capables d’un discernement plein et entier », atteints d’une « maladie incurable » avec « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » et subissant des souffrances « réfractaires » (ne pouvant être soulagées) pourront « demander à pouvoir être aidés afin de mourir », a dit le chef de l’État.  

Les mineurs et les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, en seront donc exclus.

En cas d’avis collégial favorable de l’équipe médicale, une substance létale sera prescrite à la personne, qu’elle pourra s’administrer elle-même, ou avec l’aide d’un tiers si elle « n’est pas en mesure d’y procéder physiquement ».

Dans plusieurs pays d’Europe, la législation autorise l’euthanasie et/ou le suicide assisté. La Belgique est, avec les Pays-Bas, l’un des deux premiers pays européens à avoir autorisé, il y a 20 ans, l’euthanasie.

En Espagne, une loi légalisant l’aide à la fin de vie, entrée en vigueur en juin 2021, permet l’euthanasie et le suicide médicalement assisté, alors qu’en Suisse il existe différentes formes d’assistance au décès.  

« Directives anticipées »

La loi française actuelle, dite Claeys-Leonetti, dont la dernière version date de 2016, permet une « sédation profonde et continue » pour des malades au pronostic vital engagé à court terme et aux souffrances inapaisables, mais n’autorise ni le suicide assisté ni l’euthanasie.

Changer cette loi était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, mais après avoir installé une convention citoyenne sur le sujet, il a plusieurs fois reporté sa décision.

Cette convention réunissant des Français tirés au sort s’est prononcée au printemps 2023 dans un avis non contraignant pour l’ouverture d’une « aide active à mourir » sous conditions.

Le sujet est sensible : si plusieurs sondages décrivent des Français majoritairement favorables à la légalisation d’une forme d’aide à mourir, cette perspective suscite l’opposition des cultes et d’un grand nombre de soignants.

Soucieux de ne pas heurter des sensibilités, notamment religieuses, Emmanuel Macron a assumé de « prendre le temps », affichant ses hésitations et multipliant les dîners à l’écoute des sommités de l’éthique, du monde médical et des cultes.

« J’ai retenu de ces échanges cette crainte légitime qu’on assigne une valeur à la vie, qu’on laisse entendre qu’il y aurait des vies devenues inutiles. Non, jamais. Je crois que le texte lève les ambiguïtés », dit-il.

Il a confié dans cette interview avoir personnellement écrit ses propres « directives anticipées » sur les soins qu’il souhaite, ou non, recevoir en fin de vie.

« Il y aura des oppositions »

Le processus parlementaire s’annonce long et l’aboutissement n’interviendra probablement pas avant 2025.

Le texte sera présenté en avril en Conseil des ministres pour un examen en première lecture à l’Assemblée nationale en mai, avant les élections européennes de juin.

Le projet de loi inclura des mesures du plan décennal pour renforcer les soins palliatifs, insuffisants en France de l’avis général.  

Le président a souhaité un seul texte « pour ne pas laisser penser que l’on fait l’aide à mourir parce que la société n’est pas capable de prendre soin ».

Anticipant les critiques et pour répondre à « une colère rentrée », le président a aussi annoncé un renforcement des soins palliatifs : sur dix ans, « c’est un milliard d’euros de plus que nous allons y investir », en plus du 1,6 milliard actuellement consacré aux soins d’accompagnement.  

Le chef de l’État estime que « des milliers de personnes et de familles attendent » cette évolution, mais il reconnaît aussi que cette loi ne pourra pas être « totalement » consensuelle.

« Je ne suis pas naïf », « il y aura des oppositions », a-t-il conclu.