(Nations unies) L’ONU va reprendre depuis la Turquie l’acheminement de son aide humanitaire aux zones rebelles du nord de la Syrie, grâce à un accord annoncé avec Damas, mais qui attise les craintes d’ONG voulant maintenir le régime syrien à l’écart de ce processus.

En vertu d’un mécanisme de l’ONU mis sur pied en 2014, le poste-frontière de Bab al-Hawa était le dernier avec la Turquie par lequel les agences humanitaires des Nations unies pouvaient livrer nourriture, eau et médicaments, sans autorisation préalable du gouvernement syrien.

Mais le 11 juillet, après un veto de la Russie, alliée de la Syrie, au Conseil de sécurité, ce mécanisme dénoncé par Damas comme une violation de sa souveraineté n’avait pas été reconduit.

Le régime de Bachar al-Assad, qui ne contrôle pas ce poste-frontière en zone rebelle, avait alors posé ses propres conditions pour que l’aide soit acheminée pendant six mois.

Des exigences jugées alors « inacceptables » par l’ONU.

Guterres salue l’accord

Mais dans un communiqué de son porte-parole Farhan Haq, dans la nuit de mardi à mercredi, « le secrétaire général (de l’ONU Antonio Guterres) salue l’accord conclu […] entre l’ONU et le gouvernement syrien sur la poursuite de l’utilisation pendant les six prochains mois du poste-frontière de Bab al-Hawa ».

Il s’agit d’une « entente » et d’un « engagement » scellés entre le patron des Affaires humanitaires de Nations unies Martin Griffiths et Damas.

L’ONU et ses partenaires vont continuer à fournir une assistance en zones rebelles avec « l’engagement de toutes les parties […] pour préserver l’indépendance opérationnelle de l’ONU ».

En juillet, la Syrie avait exigé que l’ONU travaille pleinement avec elle et ne communique pas avec les « organisations terroristes », en référence au groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ancienne branche locale d’Al-Qaïda), qui contrôle Bab al-Hawa.

« Différends réglés »

« Le fait d’avoir cette entente est le signe évidemment que les questions sont résolues […] et les différends réglés », a commenté M. Haq, sans être plus explicite.

Mais ces dernières semaines, plusieurs ONG ont mis en garde contre le risque de laisser Damas contrôler l’acheminement via Bab al-Hawa, par lequel passent 85 % de l’aide humanitaire.

L’International Rescue Committee (IRC) a exprimé mercredi « la crainte » que l’accord ONU/Syrie ait « un impact sur la capacité des organisations humanitaires, et en particulier des ONG syriennes, à opérer efficacement ».

La résolution de 2014 « rassurait les habitants du nord-ouest » sur le fait que « leur accès à une aide vitale était soutenu et protégé par la communauté internationale », a souligné l’IRC qui travaille sur place.

« Cet arrangement n’est pas une alternative viable à la résolution » du Conseil de sécurité de 2014, a renchéri Hiba Zayadin, chercheuse à Human Rights Watch.

« Comment un tel accord conclu avec le gouvernement qui a longtemps entravé et instrumentalisé l’aide peut garantir son acheminement », s’est-elle interrogée.

« Bouger les camions »

D’après M. Haq, la livraison d’aide via Bab al-Hawa reprendra dans « quelques jours, le temps de faire bouger les camions ».

En outre, les Nations unies estiment que la Syrie a besoin d’au moins 15 milliards de dollars pour se remettre du séisme du 6 février qui a fait près de 6000 morts dans ce pays (et quelque 50 000 en Turquie).  

ONG et opposants avaient alors critiqué la lenteur de l’aide onusienne dans le nord syrien où vivent plus de quatre millions de personnes.

Mi-février, Damas avait ouvert deux autres points de passage avec la Turquie : Bab al-Salama et al-Rai.  

Avec une autorisation renouvelée tous les trois mois, l’ONU s’était félicitée mardi que la Syrie ait reconduit « jusqu’au 13 novembre » la permission de passer par ces deux autres postes-frontières.  

Depuis la résolution de 2014 du Conseil de sécurité, Bab al-Hawa était le seul opérationnel depuis 2020.

De leur côté, les Casques blancs, des secouristes opérant dans les zones rebelles, ont critiqué les Nations unies pour avoir « autorisé le régime (syrien) à contrôler l’aide transfrontalière » vers le dernier bastion rebelle.

« Remettre le sort de l’aide vitale à des millions d’innocents entre les mains de ceux qui les ont tués, les ont chassés de chez eux et les ont privés de leurs droits est inacceptable », ont-ils déclaré sur Twitter, rebaptisé « X ».

Le conflit en Syrie, déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.