Quand devient-on adulte ? En quittant le nid familial ? En payant ses impôts pour la première fois ? Au moment où la génération Z entre dans la vingtaine, nous avons posé la question à trois jeunes. Aujourd’hui : Thomas, 25 ans.

« Je repense à ma vie d’avant et je ne voudrais pas y retourner », lance Thomas Whiteley.

Sa vie d’avant ? « Tu sais, voyager, pas avoir trop de responsabilités, travailler des jobines… », explique-t-il avec un sourire entendu.

Dans moins d’un mois, le jeune homme aura terminé ses études pour devenir pilote. Si tout se passe bien, il rejoindra l’équipe d’Air Inuit. Et s’installera à Kuujjuaq.

Si nous lui parlons par visioconférence, c’est justement parce qu’il revenait tout juste de visiter les membres de sa famille qui s’y trouvent.

Ce changement de priorité n’est pas sorti de nulle part. Le jeune homme l’attribue particulièrement aux deux années qu’il vient de passer dans le Nord-du-Québec. Quand il s’est senti devenir adulte.

« J’ai compris plein de choses sur moi-même là-bas. C’était le plus beau cadeau », estime-t-il.

Mais retournons un peu dans le passé. Avant la pandémie, Thomas menait ce que certains appelleraient une vie de bohème, phase courante dans la vie d’un jeune à la découverte de sa liberté.

« Je n’avais pas vraiment de responsabilités, je voyageais beaucoup », souligne-t-il. À 21 ans, il s’installe temporairement à Tofino, petite ville de surf de la Colombie-Britannique, où il passait tous ses étés depuis sa majorité.

« Après, je suis parti au Mexique. J’ai passé six mois là-bas », poursuit-il. Rapidement, il se familiarise avec la culture mexicaine, apprend l’espagnol.

« J’étais vraiment content de pouvoir apprendre cette culture-là, mais en même temps, j’ai commencé à me remettre en question. Je ne connaissais pas si bien la mienne, et j’étais en train d’en apprendre une autre », se souvient-il.

Né d’une mère québécoise et d’un père inuit, Thomas a grandi a Québec. Même s’il visitait régulièrement sa famille à Kuujjuaq, il n’y a jamais vécu. « Je me sentais loin de mes racines », dit-il.

Plus tard, un ami d’enfance le contacte pour lui parler d’un programme d’aviation réservé aux étudiants inuits offert dans le Nord-du-Québec.

« Je n’avais jamais vraiment envisagé l’aviation, parce que c’est hyper cher », dit-il. Mais le programme est intéressant. Et puis, il aurait enfin l’occasion de retourner à Kuujjuaq.

Sans trop d’attentes, Thomas entame les démarches pour s’inscrire à la formation à partir d’un dépanneur qui capte le réseau internet au beau milieu du Mexique. Et il est admis.

Sauf qu’au même moment, la pandémie met le monde entier sur pause. Et le début de la formation est repoussé indéfiniment.

« La pandémie a fait en sorte que je devais absolument revenir au Québec. Je me suis dit : tant qu’à être pris ici, je vais aller dans le Nord », raconte le jeune homme.

Ce qui nous amène à ses deux années passées à Kuujjuaq. Quand Thomas s’est senti devenir adulte. Où trace-t-il la fin de son adolescence ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Thomas Whiteley étudie pour devenir pilote. Une fois diplômé, il devrait rejoindre l’équipe d’Air Inuit.

Être adulte, c’est être complètement indépendant. Tu as accumulé assez de savoir-faire pour ne plus avoir besoin de ta famille. Tu peux compter sur toi-même, sur tes capacités à te démerder.

Thomas Whiteley, 25 ans

Dans la culture inuite, l’apprentissage de la chasse et de la pêche est un rite de passage important dans la vie d’un adolescent, qui devient un homme lorsqu’il est capable de pourvoir aux besoins de sa famille.

« C’est ton devoir en tant qu’homme. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’exception, si une femme montre de l’intérêt, elle peut y aller, mais c’est surtout les hommes qui vont à la chasse », explique-t-il.

À son arrivée à Kuujjuaq, Thomas avait du retard sur les jeunes de son âge qui maîtrisaient déjà les techniques de chasse et pêche.

Pendant deux ans, c’est son oncle qui lui a tout appris. Il l’a aidé à chasser ses premiers animaux, de la première oie au premier caribou.

« C’était toute une aventure ! On était partis entre 7 et 10 jours en ski-doo, à 500 km du village. On était restés pognés dans la tempête pendant une couple de jours. Ce matin-là, on allait partir quand on a vu un troupeau de caribous sur la rivière. On en a chassé plusieurs pour pouvoir en partager avec toute la communauté. Je vais m’en souvenir toute ma vie », raconte-t-il.

Aujourd’hui, Thomas est parfaitement autonome pour la chasse. Il organise ses propres expéditions. Enseigne à son tour les connaissances apprises par ses mentors.

Je suis devenu mon propre pourvoyeur.

Thomas Whiteley, 25 ans

En 2021, Thomas a été obligé de déménager à Saint-Hubert afin de suivre sa formation de pilote. Mais il retournera à Kuujjuaq. Pour de bon, cette fois.

Il ne changerait sa nouvelle vie pour rien au monde.

« Je sens que je suis rendu là dans la vie. Je suis content d’avoir un emploi où je peux bâtir une carrière et travailler vers un but. Je ne voudrais pas retourner à ma vie d’avant », conclut-il.