Un orage volcanique, un trèfle à quatre feuilles, un film qui plaît à toute la famille. Des raretés. Comme un pape qui meurt à la retraite. J’ai passé le temps des Fêtes à chercher des films qui conviennent à mes (grands) enfants autant qu’à leur maman. Non, ça ne devient pas plus facile avec le temps.

Un doigt sectionné avec des cisailles a sonné le glas de l’intérêt de Fiston pour The Banshees of Inisherin de Martin McDonagh. Il est allergique au gore comme sa mère. Il nous a abandonnés au tiers d’Un prophète de Jacques Audiard pour les mêmes raisons. « Tout un film familial ! », a-t-il ironisé, après une scène de meurtre particulièrement sanglante.

Ma définition d’un film familial est un film que l’on regarde tous les quatre en même temps. Point barre. Ils sont de plus en plus rares. Pendant que j’explore les recoins de l’anime japonais avec le plus jeune, j’ai attiré le plus vieux au cinéma pour Aftersun de Charlotte Wells (un hommage au père). J’arrive difficilement, cela dit, à réconcilier leurs inclinations respectives. Ils sont réfractaires à la plupart de mes suggestions, souvent jugées trop « pointues ».

Deux films qui ont rallié toute la maisonnée récemment sont The Fabelmans, chronique douce-amère sur les années de formation de Steven Spielberg, et Almost Famous, chronique douce-amère sur les années de formation de Cameron Crowe. J’y ai remarqué deux scènes en particulier, semblables, dans une auto, où un parent qualifie la passion de son ado – l’un pour la réalisation de films, l’autre pour le journalisme rock – de « hobby ».

Le talent précoce, l’ingéniosité manifeste, salués par le parent « à condition que ça demeure un passe-temps ». C’est-à-dire quelque chose d’accessoire, de trivial, sans réelle importance. Une digression amusante dans un parcours de vie sérieux.

Steven Spielberg avait 13 ans lorsqu’il a remporté un premier prix en Arizona pour un moyen métrage de 40 minutes, Escape to Nowhere, sur la Seconde Guerre mondiale. Cameron Crowe a écrit un premier reportage pour le magazine Rolling Stone à 16 ans, après avoir suivi le Allman Brothers Band en tournée.

Ils ont fait de leur passe-temps un métier, malgré les réserves de leurs parents. Ils ont réussi à gagner leur vie avec ce qui les passionne. Si écrire dans les journaux étudiants peut être considéré comme un passe-temps, j’ai aussi fait de mon passe-temps (depuis l’école primaire) un métier. Ce n’est pas toujours possible.

Fiston ne deviendra pas joueur de soccer professionnel. Il vient de décider de suivre les pas de papa en droit à l’université, à l’automne. Son frère ne deviendra pas davantage un professionnel du jeu vidéo. Il a choisi de s’inscrire en cinéma au cégep. On verra bien où tout ça les mènera.

Ils ont tous les deux des violons d’Ingres, comme dirait Man Ray. Des dadas qui n’ont rien à voir avec leurs aspirations professionnelles. Depuis longtemps, Fiston se passionne pour les blocs Lego. Il construit des édifices miniatures (de Londres ou de New York), des vaisseaux spatiaux ou des casques inspirés par Star Wars.

Son plus récent projet ? Le stade de Manchester United, Old Trafford. Dans son incarnation Lego, le « Théâtre des rêves » compte quelque 3900 pièces. Fiston s’y est mis à Noël et il ne lui reste plus qu’à placer les dernières briques en plastique à une section du stade. Un travail méticuleux, de patience et de doigté, auquel il s’adonne des heures durant depuis un mois.

Il m’impressionne, moi qui me décourageais à la seule vue des morceaux d’un jouet d’enfant à assembler. Je me souviens d’avoir échappé quelques mots d’église en tentant de réunir les pièces d’une voiturette servant d’exerciseur pour bébé. Monter des meubles IKEA n’a jamais été mon passe-temps favori.

« Je me questionne beaucoup sur la notion de passe-temps depuis un moment, m’a dit cette semaine mon amie Isabelle. On est tellement dans la performance dans le boulot et parfois même dans le sport que juste faire un truc pour le fun, c’est difficile à caser dans nos horaires. Ça semble inutile. Alors que c’est super bon pour la santé ! »

Mon principal passe-temps est manifestement bon pour la santé. La course à pied. Et si à une autre époque, je m’intéressais à la performance, aujourd’hui, je ne cours plus que pour le plaisir. Celui de m’aérer l’esprit, de prendre un bol d’air et de conserver un minimum de forme physique.

Or, il n’y a pas que les passe-temps physiques qui sont bénéfiques pour la santé, comme le rappelle Isabelle, qui m’a envoyé un dossier du Washington Post à ce sujet. On y fait état des bienfaits des passe-temps, en particulier pour combattre la démence et la maladie d’Alzheimer.

Lisez l’article du Washington Post (en anglais)

Notre cerveau est comme n’importe quelle autre partie de notre corps, rappellent les experts interviewés par le Post. Un cerveau a besoin d’exercice pour rester affûté. Des activités qui appellent un effort, de la concentration et un certain degré de difficulté. Sinon la mémoire s’atrophie comme un muscle inactif.

Avec le temps, on exerce moins son esprit comme on exerce moins ses muscles. On préfère le confort de ses habitudes : on sort moins, on est moins actif, moins sociable. La Société Alzheimer du Canada suggère différentes manières de minimiser les risques de démence, à commencer par tenter d’apprendre de nouvelles choses ou simplement de rester curieux, d’engager des conversations, de faire de nouvelles rencontres.

La nouveauté est un stimulant pour les neurones, qui se régénèrent jusqu’à la fin de notre vie. Il n’est jamais trop tard pour apprendre. Ni trop tôt, du reste. Il faut voir les activités bénéfiques au cerveau comme un compte d’épargne, selon un expert de l’Université de la Californie. Faire des réserves dès le jeune âge n’est jamais perdu.

Je parie que ça inclut les films pointus.