Chaque jour, des dizaines de personnes convergent vers cet entrepôt situé dans un quartier industriel de Montréal, non loin du croisement des autoroutes 15 et 40. L’intérieur fourmille de chasseurs de trésors vestimentaires, électroniques, décoratifs ou autres.

Paul-Hugo Deslauriers a étudié en commercialisation de la mode au Campus Notre-Dame-de-Foy dans la région de Québec. Depuis qu’il s’est installé à Montréal à l’été 2022, il se rend presque tous les jeudis au Centre de liquidation de Renaissance. Un peu pour garnir sa garde-robe personnelle, mais surtout pour y trouver des vêtements à revendre.

« Plus je suis constant, plus je vais trouver des choses qui valent cher ou qui sont rares », souligne celui qui affiche ses découvertes sur les plateformes en ligne Depop et Grailed.

S’il fréquente ce magasin plus que toute autre friperie, c’est que le concept est différent et les prix moindres. Le centre reçoit les objets invendus de l’ensemble des friperies Renaissance, soit ceux qui n’ont pas trouvé preneur après cinq semaines sur le plancher. Les articles sont vendus au poids, à un prix à la livre allant de 0,34 $ pour la vaisselle et la papeterie à 2,19 $ pour les vêtements et accessoires, et ce, sans taxes. Concrètement, on peut y dénicher une tenue hivernale complète (manteau, pantalon de neige, tuque, foulard, mitaines et bottes) pour une douzaine de dollars, un t-shirt à 1,10 $ et un pantalon à 2,70 $.

Le concept, unique au Québec, est plus connu aux États-Unis, où l’entreprise sociale Goodwill exploite plusieurs centres du genre. Devant la popularité de l’endroit, Renaissance prévoit en ouvrir un deuxième, dans le quartier Rivière-des-Prairies à Montréal.

Vaisselle, jouets, produits électroniques et vêtements, surtout, sont déposés pêle-mêle, mais par catégories, dans de grands bacs de plastique, des « tables » dans le jargon du magasin. Toutes les 45 minutes environ, la même chorégraphie se répète. Les manutentionnaires entrent en scène et repartent avec une rangée complète de bacs qu’ils remplaceront par de toutes nouvelles tables. Personne n’est autorisé à s’en approcher tant que la rangée n’est pas complète. Ce n’est qu’une fois que tout est en place que la chasse au trésor commence.

« Tu vois les gens habillés un peu comme moi ? demande Paul-Hugo Deslauriers, vêtu d’un chandail, d’un pantalon et d’une tuque noirs. On cherche tous un peu les mêmes choses. Ce n’est pas une compétition violente. Mais on est tous là pour la même raison. » Ils veulent essentiellement mettre la main sur des pièces dites vintage, un terme générique qui désigne des vêtements datant d’une époque passée, quoique parfois aussi récente que les années 1990. Des morceaux qui ont une valeur de revente intéressante, notamment dans les friperies commerciales ou sur les plateformes en ligne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

De l’ouverture à la fermeture, le centre de liquidation est très fréquenté.

D’autres y sont pour acheter des articles qu’ils exporteront à l’international, en Afrique et en Haïti notamment. « La semaine, les revendeurs sont ici de l’ouverture à la fermeture », indique la gérante du magasin, Line Chabot, qui connaît la plupart d’entre eux. Avant son arrivée au centre de liquidation, l’endroit était essentiellement fréquenté par des revendeurs. Son objectif était d’y amener le grand public. « On est quand même à un kilomètre du métro », précise-t-elle. Avec succès. Des gens viennent désormais y magasiner pour leurs besoins personnels, des jeunes beaucoup, surtout les fins de semaine. Le blogue Narcity a même intégré l’endroit à une liste de 12 activités à faire à Montréal.

Tandis que les haut-parleurs chantent Parlez-moi de lui de Nicole Croisille, les chercheurs d’or s’approchent des bacs, prêts à y plonger leurs mains gantées. Que cherchent-ils précisément ? « Il faut que tu sois ouvert, que tu saches un peu ce que tu cherches, mais tu ne sais jamais ce que tu vas trouver, résume Paul-Hugo Deslauriers. Chaque semaine, tu t’améliores. En regardant les tailles, en feelant les matériaux, je vais savoir si ça va m’intéresser ou pas, si ce sont des choses cheap ou de meilleure qualité. »

Parfois, je vais acheter des choses qui, je pense, vont bien se vendre, mais ça ne marche pas du tout. C’est à force de le faire beaucoup que tu apprends.

Paul-Hugo Deslauriers, revendeur de vêtements

Les pantalons très larges et les jeans du début des années 2000 sont particulièrement populaires, note-t-il.

D’étonnantes trouvailles

On pourrait penser qu’il écarte d’emblée les pièces usées, mais non. Il rejette un chandail en acrylique qui a de trop nombreuses taches, mais prend, devant notre regard incrédule, un short en jean très large qui présente de petits trous et quelques taches. « Je pense que ça va vraiment être populaire ! Pour quelque chose d’unique comme ça, l’état, ça importe peu. Je vais mettre des photos pour montrer les trous et les taches, mais c’est tellement unique que je ne peux pas le laisser là. »

  • Paul-Hugo Deslauriers a revendu ce chandail 73 $ (incluant les frais de livraison) environ une semaine après l’avoir mis en ligne. Il a réalisé un profit net de 39,18 $.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Paul-Hugo Deslauriers a revendu ce chandail 73 $ (incluant les frais de livraison) environ une semaine après l’avoir mis en ligne. Il a réalisé un profit net de 39,18 $.

  • Veste polaire Orage en parfait état, que Paul-Hugo Deslauriers a affichée à 50 $ sur Depop

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Veste polaire Orage en parfait état, que Paul-Hugo Deslauriers a affichée à 50 $ sur Depop

  • Short large en denim qui, malgré de petits trous et quelques taches, sera très populaire, selon Paul-Hugo Deslauriers

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Short large en denim qui, malgré de petits trous et quelques taches, sera très populaire, selon Paul-Hugo Deslauriers

  • Un chandail provenant probablement des îles San Blas, dans les Caraïbes, a séduit le jeune passionné de mode.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Un chandail provenant probablement des îles San Blas, dans les Caraïbes, a séduit le jeune passionné de mode.

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Il met aussi dans son panier un manteau de cuir brun plutôt en bon état, un t-shirt souvenir des îles San Blas, dans les Caraïbes, un chandail en laine (qu’il revendra 73 $, frais de livraison inclus, en à peine trois jours), une paire de chaussures et une paire de bottes, des trouvailles qu’il qualifie d’« incroyables ». Sa facture ? 29,47 $

Parmi les plus grandes trouvailles de Paul-Hugo Deslauriers depuis qu’il s’adonne à cette activité figure un manteau Canada Goose des années 2000 qu’il a porté un hiver et qu’il vient de mettre en vente à 650 $ !

« Ça ne veut pas dire que je vais le vendre à ce prix-là. Sur les applications, une vente de 650 $ ça prend plus de temps. Mais ça va être un gros flip. » Combien l’a-t-il payé ? Autour de 10 $, estime-t-il.

« J’ai aussi trouvé deux manteaux de la dernière tournée d’Elvis Presley de 1977. Les deux dans un état parfait. J’en ai vendu un pour 200 $ US, l’autre je l’ai encore. C’est quand même dur à vendre, c’est vraiment niché. Ce sont des articles de collection. Des t-shirts de groupes de rock des années 1980, s’ils sont authentiques, ça peut monter rapidement dans les 1000 $. Peu importe leur état. »

De retour chez lui, il lavera, mesurera et photographiera tous les articles avant de les ajouter sur ses plateformes en ligne. Des morceaux dont vous n’auriez souvent pas cru qu’ils avaient une telle valeur.

Consultez le site Depop (en anglais)