Un nouveau VUS californien équipé comme une machine de guerre incarne la tendance des véhicules surdimensionnés qui rendent les déplacements motorisés plus mortels dans les milieux de vie densément peuplés.

Machine de guerre

Si les véhicules automobiles ont souvent des noms censés évoquer les grands espaces et la liberté, le nouveau VUS de l’entreprise californienne Rezvani laisse tomber toute prétention : ici, la violence, c’est le but. Baptisé « Vengeance », ce véhicule qui peut peser jusqu’à 3719 kilos a des vitres pare-balles, des faisceaux stroboscopiques pouvant être aveuglants, de même que des dispositifs capables de lancer du gaz poivre. Quelqu’un veut essayer de monter à bord ? Avec les poignées extérieures électrifiées, les occupants seront protégés. Le véhicule est livré avec des gilets pare-balles, des casques et des masques à gaz.

Plus dangereux… pour les autres

Si le Vengeance, qui se vend de 250 000 $ à 500 000 $ US selon les options choisies, a des allures de véhicule militaire, son public cible est tout autre : il vise les familles qui pourront l’utiliser comme véhicule de tous les jours. L’argument de vente est le même que celui des VUS en général, soit la sécurité pour les occupants. Or, ces véhicules sont aussi beaucoup plus dangereux pour les gens qui ne l’occupent pas : des études de l’Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) aux États-Unis ont démontré que les VUS ont des angles morts plus importants que ceux d’une voiture plus petite, ce qui peut empêcher le conducteur de voir un enfant piéton. En cas de collision, le profil surélevé des VUS atteint les piétons au niveau des organes vitaux, et non au niveau des jambes, comme le ferait une voiture. Une collision devient alors plus rapidement mortelle : les conducteurs de VUS sont de deux à trois fois plus susceptibles de tuer un piéton dans une collision que les conducteurs d’une voiture, selon l’Insurance Institute for Highway Safety.

À Montréal, le conducteur qui a happé à mort la petite Mariia Legenkovska le 13 décembre dernier pilotait un VUS, de même que la conductrice qui a happé mortellement le petit Dominik, 8 ans, qui avait surgi d’une ruelle du quartier Ville-Émard, le 27 mars 2019.

Excès

Andréanne Brazeau, analyste en mobilité durable chez Équiterre, note que même si ce véhicule est extrême, il s’inscrit dans la mode nord-américaine de séduire les consommateurs avec des véhicules toujours plus lourds, toujours plus gros. « Ça montre qu’on va de plus en plus dans l’excès, dans des véhicules qui sont souvent trop gros pour l’usage qu’on en fait réellement. » Elle déplore que les impacts sur la sécurité des autres ne soient pas pris en compte par les constructeurs. En Amérique du Nord, la hausse des décès chez les piétons coïncide avec la hausse de la taille des véhicules qui sont utilisés dans les déplacements sur les routes.

Peu de leviers

En période d’urgence climatique, le parc automobile « devrait tendre vers la sobriété », tant du point de vue de la taille des véhicules que du point de vue du nombre de véhicules en circulation sur la voie publique, dit Mme Brazeau. « Un des leviers des gouvernements est de facturer le stationnement sur rue en fonction de la taille et du poids des véhicules, ce que fait la Ville de Washington DC, aux États-Unis. C’est aussi la responsabilité des constructeurs de s’assurer que les petits véhicules restent sur le marché, mais ce qu’on voit, c’est qu’il y en a de moins en moins, et on sait que les marges de profit sont beaucoup plus intéressantes sur les VUS. C’est aussi aux gouvernements d’obliger les constructeurs à rectifier le tir et à s’assurer qu’on ne tombe pas dans une course à la grosseur, et à s’assurer que les personnes à l’extérieur du véhicule soient aussi en sécurité. » Au Québec, des frais sont imposés à l’achat de grosses cylindrées. « Mais, de toute évidence, comme les gens se tournent de plus en plus vers les camions légers, ce n’est pas suffisant », dit-elle.