L’industrie agroalimentaire a usé de nombreux procédés politiques pour tenter d’influencer le plus récent Guide alimentaire canadien, conclut une recherche diffusée mercredi. Les données scientifiques étaient critiquées ou mises en relief selon qu’elles étaient favorables ou défavorables aux aliments représentés par les intervenants de l’industrie, soulignent notamment les chercheurs.

« Les pratiques les plus fréquemment utilisées selon notre étude étaient la suppression de l’information défavorable à l’industrie bioalimentaire […] et l’amplification de l’information avec laquelle l’industrie était d’accord », résume l’analyse publiée en décembre dans la revue PSPMC (Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada).

Cette revue scientifique est publiée par l’Agence de la santé publique du Canada, mais ses articles sont soumis à une évaluation par les pairs.

Le plus récent guide alimentaire a été publié en janvier 2019.

Les chercheurs ont étudié le discours d’une dizaine de groupes représentant diverses productions (viande, volaille, lait, aliments transformés, etc.), dans leurs mémoires déposés à Ottawa et dans leurs sites web, d’octobre 2016 à mars 2019.

Sur 366 « activités politiques corporatives » recensées, plus de la moitié (197) relevaient de « la critique des données scienti­fiques établies en soulignant leur com­plexité et leur incertitude » ou de « la sélection de données favorables à l’industrie », indique l’auteure principale, Marie-Chantal Robitaille, qui a fait un mémoire de maîtrise sur le sujet à l’Université de Montréal.

Les Producteurs laitiers du Canada, le Conseil canadien du jus et l’Association nationale des engraisseurs de bovins ont généré 60 % des activités politiques répertoriées, un poids « pas surprenant », selon les chercheurs. « La consommation de jus, de produits laitiers et de viande diminuerait probablement si les Canadiens suivaient les nouvelles recommandations. »

L’industrie exclue du Guide en 2019

Santé Canada avait été vivement critiquée pour avoir associé des représentants de l’industrie à la conception de ses guides de 1992 et de 2007. Les rapports commandés « par l’industrie ou une organisation ayant un intérêt commercial » n’ont donc pas été considérés pour l’édition de 2019.

Les anciennes catégories « lait et substituts » et « viandes et substituts » ont ainsi disparu en 2019. Et des lignes directrices invitant à limiter la consommation des « aliments et boissons transformés ou préparés qui contribuent à une consommation excessive de sodium, de sucres libres ou de lipides saturés » ont été ajoutées.

Ces scénarios avaient suscité des levées de boucliers durant les consultations.

Les Producteurs laitiers du Canada avaient réclamé l’intervention du premier ministre Justin Trudeau.

Plusieurs organisations ont fait « appel aux émotions, par exemple la peur et l’anxiété, pour souligner les consé­quences qui pourraient s’ensuivre si on limitait la consommation d’aliments à teneur élevée en sel, en sucre (comme les jus) et en gras », signale aussi la recherche.

« Nous estimons avoir offert une valeur ajoutée au processus, toute autre suggestion ne relève pas du factuel », a commenté le chef de la direction des Producteurs laitiers du Canada, Jacques Lefebvre, par écrit mercredi. Son organisme, dit-il, a « soumis un mémoire rigoureux fondé sur des recherches scientifiques examinées par des pairs ».

Chez Produits alimentaires et de consommation du Canada, « la personne la plus apte à commenter » n’était pas joignable mercredi, a-t-on indiqué par courriel.

Consultez l’article de la Revue PSPMC Lisez l’article « Guide alimentaire : Trudeau doit intervenir, croient les producteurs laitiers » Lisez l’éditorial « Vendre sa salade »