La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda rend les armes dans son combat visant à empêcher la divulgation de documents montrant la teneur en contaminants des matières qu’elle reçoit de ses clients fournisseurs.

L’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse Glencore ne portera pas en appel le jugement de la Cour du Québec, qui a confirmé en décembre la décision de la Commission d’accès à l’information (CAI) du Québec l’obligeant à rendre ces documents publics, a appris La Presse.

L’affaire émane de la demande d’un citoyen, Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT), qui cherchait à connaître les quantités de concentrés de cuivre livrées à la Fonderie Horne, ainsi que leur concentration en arsenic, en bismuth, en antimoine, en plomb, en cadmium et en mercure.

Ces informations lui avaient été transmises jusqu’en 2018 par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), mais la Fonderie Horne s’était opposée à leur divulgation en 2019 – le Ministère avait ensuite transmis les données de 2020.

Les données de l’année 2019, ainsi que celles de 2021, ont été transmises à M. Nantel par le MELCCFP le 19 janvier, après l’abdication de Glencore.

L’arsenic attribuable à une minorité de fournisseurs

L’essentiel de l’arsenic qui entre à la Fonderie Horne, et dont une partie est rejetée dans l’air de la ville durant le traitement des concentrés, provient comme par le passé d’une minorité de fournisseurs, qui ne sont pas identifiés, montrent les données que La Presse a pu consulter.

En 2021, un seul fournisseur a été responsable de 19 % de tout l’arsenic envoyé à la fonderie durant l’année, alors que ses matières ne représentaient que 0,2 % du total des intrants.

Pour l’année 2019, 69 % de l’arsenic qui est entré à la fonderie provenait de trois fournisseurs, dont les matières ne représentaient que 2,6 % du total des intrants.

Mais l’intérêt pour ces données va bien au-delà de ce simple constat ; elles permettent d’évaluer concrètement l’efficacité des procédés mis en place par la fonderie pour réduire ses rejets de contaminants dans l’air, explique Marc Nantel.

L’idée est de suivre l’évolution de l’entreprise et la rendre redevable si elle ne respecte pas ses engagements [de réduire ses émissions].

Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)

C’est d’ailleurs dans l’intérêt de l’entreprise de divulguer ces informations pour faire la démonstration que les mesures qu’elle met en place fonctionnent, estime M. Nantel.

« Mais c’est sûr que si ce n’est pas le cas, je comprends qu’ils ne veulent pas [le faire] », lance-t-il, assurant qu’il a l’intention de réclamer ces données chaque année, maintenant que le tribunal a statué qu’elles doivent être rendues publiques.

La Fonderie sermonnée par le juge

Marc Nantel se réjouit d’avoir obtenu gain de cause, mais déplore qu’il ait fallu « trois ans pour avoir des documents qui sont clairement du domaine public ».

Le juge Serge Champoux sermonne d’ailleurs la Fonderie Horne dans sa décision rendue en décembre, écrivant que des renseignements qui ne sont transmis qu’au terme « d’interminables procédures » perdent en pertinence, estimant que « le seul écoulement du temps équivaut à un déni d’accès ».

La multinationale Glencore a dépensé « plusieurs centaines de milliers de dollars » en frais judiciaires pour éviter la publication de ces données, qui tiennent sur deux pages, ajoute Marc Nantel, qui a bénéficié de son côté du soutien de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine et de l’organisation Mining Watch, ainsi que du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

S’il avait fallu que je paie les avocats pour me défendre, je n’aurais jamais été capable, ça, c’est évident.

Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)

L’affaire aura des répercussions positives pour l’accès à l’information, croit l’avocat Marc Bishai, du CQDE, qui représentait Marc Nantel devant la Cour du Québec.

« C’est une décision qui pourrait certainement être invoquée dans des dossiers futurs », a-t-il déclaré, soulignant qu’elle mentionne l’importance d’obtenir les renseignements demandés rapidement et que les exceptions au droit d’accès à l’information ont « des limites assez importantes ».

« C’est une belle victoire citoyenne pour l’accès à l’information environnementale », a ajouté MMarc Bishai.

La Fonderie Horne a confirmé à La Presse qu’elle n’interjettera pas appel du jugement rendu en décembre.

« Nous nous conformerons à la décision de la Cour », a indiqué la porte-parole de l’entreprise, Cindy Caouette, réitérant les motifs de l’objection initiale.

« Les informations relatives à nos intrants sont très sensibles, a-t-elle affirmé. Nous avons donc le devoir de protéger notre propriété intellectuelle industrielle afin d’éviter de mettre en péril notre compétitivité. »

L’histoire jusqu’ici

Juin 2020

Marc Nantel demande au ministère de l’Environnement du Québec les données sur les intrants livrés à la Fonderie Horne et leur concentration en contaminants pour l’année 2019.

Août 2022

La Commission d’accès à l’information entend la contestation par Marc Nantel de l’objection de la Fonderie Horne à la divulgation des données.

Décembre 2023

La Cour du Québec confirme la décision de la Commission d’accès à l’information qui obligeait la fonderie à rendre ses données publiques.

Janvier 2024

Marc Nantel reçoit les données après la décision de la Fonderie Horne de ne pas porter en appel le jugement de la Cour du Québec.

En savoir plus
  • 681 535
    Quantité de concentrés, en tonnes, reçue par la Fonderie Horne en 2019
    source : Fonderie Horne
    659 129
    Quantité de concentrés, en tonnes, reçue par la Fonderie Horne en 2021
    source : Fonderie Horne