Même si je mets régulièrement mes grands-parents en scène et plaide pour le respect de ceux qui ont vu neiger, permettez-moi de taquiner le troisième âge avancé dans ce texte. Un petit écart affectueux pour parler de leur domination sur la politique américaine qui commence à être problématique.

D’abord, il y a le cas de Mitch McConnell dont le cerveau bascule en mode veille en plein discours et qui a défrayé abondamment la chronique. À 81 ans, lorsque surviennent ces malheureux et imprévisibles décrochages, son entourage cherche désespérément une façon de l’exfiltrer loin des caméras. Ce sont des images vraiment tristes à voir.

De l’autre côté du spectre politique, l’âge avancé de Joe Biden se voit aussi ostensiblement dans sa démarche, sa gestuelle, sa posture et même la fluidité d’organisation et d’expression de sa pensée. Il est normal qu’à 80 années affichées, Joe commence à oublier et à additionner des confusions sur des évènements et des dossiers sérieux. Mais, va-t-il se tasser comme le demandent une majorité d’Américains ? Entendra-t-il la voix de la sagesse qui a guidé Nancy Pelosi vers la bonne décision ?

PHOTO SUSAN WALSH, ASSOCIATED PRESS

Le président américain Joe Biden

Pendant que les politologues se penchent sur cette question, je vous raconte une petite sagesse. Connaissez-vous l’histoire du vieillard qui se tenait debout devant sa maison avec une corde à la main ? Inquiet, son petit-fils qui voulait comprendre de lui demander :

« Grand-papa, pourquoi sembles-tu si préoccupé par cette corde ? »

Son aïeul de répondre :

« Je n’arrive pas à me souvenir si j’ai perdu un cheval ou si j’ai simplement ramassé une corde. »

Je crois que Joe Biden et Mitch McConnell flirtent avec ces vénérables âges que l’on glorifie encore dans ma culture sénégalaise d’origine. À cette étape de l’existence, savoir passer le témoin avant de s’enfarger est l’expression du discernement ultime. Chose que Biden ne semble pas comprendre.

Au contraire, pendant que la volonté populaire lui demande de se tasser, il diffuse des publicités pour essayer de convaincre ses détracteurs qu’il déborde encore d’énergie et d’acuité intellectuelles. Ce faisant, il me rappelle cette plaisanterie populaire dont j’ai fait une adaptation gaspésienne.

C’est l’histoire de Jean-Guy Fournier qui, à 98 ans, se vantait d’avoir trouvé dans le golfe du Saint-Laurent un poisson dont le gras lui avait redonné toutes ses capacités cognitives. Il chantait les louanges du pêcheur qui lui avait permis de retrouver sa mémoire de jeunesse quand son ami Sylvio lui demande :

« Dis-moi donc, mon Jean-Guy, comment s’appelle le pêcheur qui t’a fait découvrir le poisson miraculeux capable de redonner la mémoire de la jeunesse ? »

Devant cette question inattendue, Jean-Guy se gratte la tête avant de se tourner vers sa femme :

« Yolande, te souviens-tu du nom du pêcheur qui nous amène le poisson qui redonne la mémoire de la jeunesse ? »

Sa femme de lui répondre :

« Le pêcheur, c’est notre fils Maurice. Et arrête de m’appeler Yolande, mon nom, c’est Monique. »

Comme ce cher Jean-Guy, Biden, incapable d’envisager la retraite, est tout aussi habité par de fausses certitudes.

Après 50 ans dans les coulisses du pouvoir, complètement accros à cette très addictive drogue, Joe et sa génération en veulent encore et basculent l’Amérique vers ce qui ressemble de plus en plus à une gérontocratie d’éléphants.

Pourquoi ce parallèle avec ces pachydermes ? Parce que chez ces gros mammifères sociaux, ce sont les vieilles matriarches dépositaires de la mémoire collective qui dirigent les hardes. Elles mettent leur longue expérience dans l’école de la vie au service du bien-être et de la sécurité de la famille.

Aussi, à l’image du duo Biden-Harris, la matriarche des éléphants a souvent une dauphine qu’elle « prépare » de façon préventive à occuper le poste suprême advenant sa subite disparition ou son incapacité physique à assumer la chefferie. Est-ce que la dauphine de Joe Biden a la confiance de sa harde pour assumer un tel changement de garde ? Voilà peut-être la question qui est au cœur d’un certain malaise démocrate.

PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ancien président américain Donald Trump

Je vous entends me demander pourquoi Donald Trump ne se retrouve pas dans mon histoire. Après tout, même s’il cache bien son jeu, Donald aussi est un homme vieillissant qu’on sent moins en forme. Le problème avec Trump, c’est qu’on est tellement habitué à ses incohérences qu’il est impossible de faire la différence entre ce qui relève de sa génétique de fabulateur et ce qui est attribuable à de potentiels pépins cognitifs induits par son âge.

Cependant, si je reviens à ma comparaison avec la vie des éléphants, Donald a sa place. Il incarne un vieux mâle dominant. En cause, lorsqu’arrive le temps d’une parade nuptiale, chez les éléphants d’Afrique, ces vieux mâles qui sont beaucoup plus gros inhibent de façon hormonale toute tentative d’accouplement des plus jeunes. Vaincu par les élixirs et l’agressivité émanant du mastodonte, les jeunes virils ravalent leur testostérone et restent loin de la femelle en chaleur.

C’est le même blocage que Donald exerce sur la grande majorité de ses adversaires républicains. Face à sa puissance intimidatrice, faire semblant d’avoir des couilles ou essayer de les mettre sur la table n’est pas une option.

Je crois même que lorsque, dans un passé lointain, on a fait de l’éléphant le symbole du Parti républicain, de façon prémonitoire, on voyait arriver ce très dominant mâle dont le nom est très proche de Trompe.