(Québec) Inverser la façon de consentir au don d’organe, comme Québec l’étudie, n’est pas « une panacée » pour augmenter le nombre de greffes, préviennent le Collège des médecins et Transplant Québec.

Une consultation sur « les moyens facilitant le don d’organes ou de tissus » s’ouvre ce mardi à l’Assemblée nationale. Les parlementaires examineront particulièrement la possibilité d’instaurer le consentement présumé, ce qui constituerait un changement de paradigme au Québec.

Cela voudrait dire par exemple qu’au lieu de signer sa carte d’assurance maladie pour consentir au don, il faudrait plutôt le faire pour refuser.

Or, tant Transplant Québec que le Collège des médecins émettent des réserves quant à l’instauration du consentement présumé au Québec.

Selon l’ordre professionnel, cela « ne constitue pas une panacée » devant les défis auxquels le Québec fait face en matière de don d’organe.

« La mise en place d’un régime fondé sur le consentement présumé suppose qu’une augmentation du nombre de donneurs potentiels rehaussera le nombre d’organes pour la transplantation », écrit le Collège dans un mémoire qui sera présenté mercredi.

« Si les conditions gagnantes ne sont pas réunies en agissant sur un ensemble de facteurs, il se peut qu’un plus grand bassin de donneurs ne se traduise pas nécessairement par une augmentation du nombre de dons réels », prévient-on.

Étude à l’appui

Le Collège s’appuie sur une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), qui a examiné en 2021 le cadre juridique de 10 juridictions, dont certaines où le consentement présumé est en vigueur.

Son constat est que « le succès du don d’organes […] n’est pas nécessairement conséquent d’un régime de consentement présumé, mais plutôt d’un ensemble de mesures » comme la formation et l’éducation « permettant de créer un contexte favorable ».

C’est aussi la position de Transplant Québec : « Le consentement présumé, c’est une infime portion [du succès] », fait valoir sa directrice générale, Martine Bouchard.

L’organisme souligne que la littérature scientifique ne permet pas jusqu’à présent de désigner clairement un modèle de consentement au don d’organe meilleur que l’autre.

La Nouvelle-Écosse est devenue en 2020 la première province canadienne à adopter une loi sur le consentement présumé. La Presse Canadienne a rapporté qu’en un an, le nombre de donneurs de tissus a bondi de 40 %. Les références pour les dons de tissus et d’organes ont aussi augmenté.

Mme Bouchard évoque « des résultats encourageants », mais rappelle que la Nouvelle-Écosse a mis en branle un programme de formation et de sensibilisation en amont. C’est une des clés du succès, selon elle.

Parce que malgré le souhait du défunt, dans la grande majorité des cas, c’est la famille qui est appelée à valider le consentement. En 2022, près du quart des demandes n’ont pu aller de l’avant, faute de validation du consentement avec les proches.

Le consentement présumé n’est pas une voie vers l’apogée parce que la famille peut encore refuser, c’est ça, la réalité.

Martine Bouchard, directrice générale de Transplant Québec

Au Québec, le taux de donneurs morts en 2022 s’établissait à 19,7 donneurs par million d’habitants, ce qui est inférieur à celui des autres provinces canadiennes comme l’Ontario (22,1 donneurs par million d’habitants).

Pour un accès simplifié

Le Collège et Transplant Québec demandent aussi la création d’un registre unique de consentement.

Pour l’heure, une personne peut consentir au don d’organe en signant sa carte d’assurance maladie, ou en s’inscrivant au registre de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou au registre de la Chambre des notaires. L’inscription à celui de la RAMQ ressemble à « un véritable parcours du combattant », note le Collège.

Un guichet unique serait plus efficace pour le donneur et le personnel médical, qui doit vérifier à plusieurs endroits.

L’ordre professionnel est aussi préoccupé par « l’organisation actuelle du réseau de la santé » qui rend « incertaine la disponibilité d’une salle d’opération au moment du prélèvement ».

On relate des conflits ouverts entre soignants dans les unités de soins intensifs, principalement en ce qui a trait à la disponibilité des lits de soins.

Extrait du mémoire du Collège des médecins

Le Collège demande l’élaboration d’« un protocole de priorisation des cas de donneurs, et des cas urgents ».

Débat de société

Selon Transplant Québec et le Collège des médecins, si Québec souhaite inverser la façon dont les Québécois consentent au don d’organe, il est impératif d’avoir « l’adhésion » de la population.

L’ordre professionnel souligne « des enjeux éthiques » et l’importance de tenir une « vaste consultation pour dégager un consensus de société ».

« Il faut que ça reflète les valeurs de la population comme le processus de l’aide médicale à mourir », illustre Martine Bouchard.

À l’instar des travaux sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir, les parlementaires mènent d’ailleurs une démarche transpartisane.

L’initiative a d’abord été portée par le député libéral André Fortin, qui a déposé deux projets de loi en cinq ans pour introduire le consentement présumé. Les consultations serviront de base à l’élaboration d’un projet de loi qui pourra être adopté d’ici la fin du présent mandat, a promis en octobre la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger.

En savoir plus
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    Nombre de personnes décédées dans l’attente d’un nouvel organe en 2023
    Source : Transplant Québec
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    Nombre de personnes en attente d’un don d’organe au Québec
    Source : Transplant Québec