(Montréal) C’est pour dénoncer la croissance de l’écart fiscal entre les plus riches et les moins nantis que les membres du collectif Échec aux paradis fiscaux se sont rassemblés devant les bureaux de l’Agence du revenu du Canada (ARC), à Montréal, jeudi matin.

Les manifestants souhaitaient ainsi rappeler l’importance de « faire payer leur juste part aux multinationales et aux grandes fortunes », alors qu’une cagnotte estimée entre 18,1 et 23,4 milliards échapperait annuellement au fisc canadien par diverses manœuvres d’évitement, indiquait l’an dernier le premier rapport sur l’écart fiscal fédéral global, portant sur les années 2014 à 2018.

Un montant qui pourrait être encore plus astronomique si d’autres éléments étaient comptabilisés dans le calcul de l’ARC, comme la part d’impôt que de grandes entreprises étrangères faisant affaire au pays ne paient pas parce qu’elles n’ont pas de bureau au Canada, par exemple, indique le coordonnateur et porte-parole du regroupement, Edgar Lopez-Asselin.

« Les grandes compagnies sont ainsi responsables de 70 % de l’écart fiscal en matière de déclaration de l’impôt sur le revenu des sociétés, alors qu’elles comptent pour 1 % des sociétés enregistrées. Les défauts de déclarations relatifs aux placements à l’étranger des particuliers fortunés coûtent chaque année près de 3 G$ aux contribuables canadiens », souligne par ailleurs le collectif dans un communiqué.

Un an a passé depuis la publication du rapport et très peu a été fait pour tenter d’endiguer la problématique de l’évitement fiscal ou pour récupérer les sommes qui échappent à l’impôt, martèle M. Lopez-Asselin, en entrevue avec La Presse Canadienne.

« On comprend qu’un des enjeux principaux est la difficulté de documenter l’ampleur du problème, reconnaît-il. Mais depuis la publication du rapport, on n’a pas eu de nouvelles ou de commentaires sur son contenu. Il n’y a pas eu d’annonce ou de nouvelles mesures mises en place pour récupérer ce manque à gagner.

« En ce moment, nous avons plus de questions que de réponses, poursuit M. Lopez-Asselin. La situation témoigne de ratés à l’ARC dans sa stratégie de recouvrement. Pour nous, c’est un manque de transparence et de démocratie que ces sommes ne soient pas rapatriées. »

Le contexte inflationniste actuel ne fait qu’accentuer les écarts de richesse et, en conséquence, les écarts fiscaux, ajoute le porte-parole.

Le collectif Échec aux paradis fiscaux réclame un meilleur financement de l’ARC, un resserrement des lois qui encadrent les manœuvres d’évitement fiscal ainsi qu’un accroissement de la transparence au sein de l’ARC.

En outillant mieux l’ARC pour récupérer les milliards de dollars qui lui échappent chaque année, « les petits contribuables » auraient moins à compenser, que ce soit en payant des impôts ou en étant privés de certains services, faute de fonds publics pour les soutenir.

« On devrait donner des outils légaux à l’Agence et augmenter son financement pour permettre à ses inspecteurs de mieux faire leur travail, pour leur donner plus de marge de manœuvre, soutient M. Lopez-Asselin. Il faut fermer les principales échappatoires qui permettent à des grandes compagnies de ne pas payer leur juste part en impôts. »

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.