Depuis la signature de la Convention de la Baie-James en 1975 et de la Paix des Braves en 2002, les Premières Nations ont entrepris de s’organiser sur le territoire québécois. Un mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur et qui s’incarne aujourd’hui dans la volonté des chefs d’entreprise des Premières Nations de s’affirmer davantage sur le plan économique.

Avec la multiplication des projets de développement en partenariat avec des communautés autochtones comme celui du Parc éolien Apuiat sur la Côte-Nord ou les ententes de versement de redevances dans le cadre de plusieurs projets de développement minier dans le nord du Québec, les dirigeants des Premières Nations ont davantage de moyens pour assurer le développement et la pérennité de leurs communautés.

C’est dans cet esprit qu’est née il y a deux ans l’École des dirigeants des Premières Nations (EDPN), une initiative créée par les représentants des différentes communautés autochtones en partenariat avec l’École des dirigeants de HEC Montréal.

Sous l’impulsion de Manon Jeannotte, qui a été cheffe de la Nation micmaque de Gespeg, et de Ken Rock, directeur général de la Société de développement économique de Uashat Mak Mani-utenam, l’EDPN a entrepris l’an dernier la formation de différentes cohortes de chefs, d’élus, d’administrateurs et de gestionnaires de programmes des 10 grandes communautés des Premières Nations.

Cet hiver, l’EDPN a accueilli son premier groupe formé exclusivement d’entrepreneurs. Au total, 16 chefs d’entreprise ont participé aux quatre grandes périodes de formation qui se sont déroulées en modules de trois jours à Montréal, à Uashat, à Wendake et encore à Montréal. Une trentaine de professeurs associés à HEC Montréal font partie du groupe responsable des différents modules d’enseignement.

Et c’est le vendredi 31 mars que les 16 entrepreneurs des Premières Nations ont obtenu leur certification à l’occasion d’une cérémonie simple et chaleureuse qui s’est déroulée dans les locaux de l’École des dirigeants de HEC Montréal.

Ç’a été une belle réussite. Les participants sont arrivés bien préparés. Ils avaient réfléchi et articulé une vision stratégique pour leur entreprise lorsqu’ils ont fait leur présentation.

Ken Rock, directeur général de la Société de développement économique de Uashat Mak Mani-utenam

« Ç’a été l’occasion pour eux de rencontrer des professionnels et d’échanger entre eux ; c’est là qu’on apprend beaucoup comme au EMBA [programme de gestion pour cadres en exercice]. Je pense qu’ils en sortent mieux outillés », m’a confié Ken Rock, quelques minutes avant la cérémonie de remise des certifications.

Apprentissage et échanges

L’échange entre les participants semble effectivement avoir été l’un des éléments clés de cette formation d’une centaine d’heures, selon les témoignages recueillis auprès de plusieurs chefs d’entreprise.

C’est notamment l’avis de David Cloutier, qui a pris la relève de l’entreprise de son père, Les Entreprises Denis Cloutier, spécialisée dans les revêtements et les couvre-planchers et qui existe depuis plus de 40 ans à Wendake.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les chefs d’entreprise Ken Rock (à gauche), David Cloutier, Yves Tremblay et Joël Malec

« J’ai travaillé plusieurs années à Sept-Îles dans le démarrage et le développement d’entreprises autochtones, principalement huronnes et innues. J’ai repris depuis cinq ans l’entreprise de mon père et j’ai beaucoup apprécié ma formation à l’École. Ça m’a permis de développer un réseau de contacts et surtout de partager ma réalité avec celle de mes collègues », observe David Cloutier.

Joël Malec, propriétaire de Foresterie Mikuan, à Mingan, a participé à la formation de l’EDPN parce qu’il souhaitait avoir plus d’outils pour progresser et pour mieux développer ses relations avec les grosses entreprises avec lesquelles il fait affaire.

« Je voulais aussi partager de l’information avec d’autres entrepreneurs qui ont des enjeux semblables ou différents des miens », souligne l’entrepreneur innu, qui est en train de démarrer une nouvelle entreprise de drones pour faire l’inspection des lignes de transmission d’Hydro-Québec ou pour collaborer avec la Société de protection des forêts contre le feu.

C’est plus facile pour embarquer les jeunes qui sont habitués aux tablettes. Il y a un bon potentiel pour la formation.

Joël Malec, propriétaire de Foresterie Mikuan

Enfin, Yves Tremblay, que les lecteurs de La Presse connaissent sans doute puisqu’il a fondé il y a 25 ans Les yeux du ciel, une agence de photos aériennes dont les clichés pris du ciel sont souvent utilisés par La Presse pour illustrer des reportages de partout au Québec, a fait de sa formation une démarche identitaire.

« Je me suis replongé dans la culture innue il y a quatre ans, au décès de mon père qui est né à Pessamit, mais qui a été élevé dans une famille québécoise. Mon mentor, François Colbert, vient de HEC et c’était une belle façon pour moi d’en apprendre plus sur le leadership, le management et l’esprit de communauté », souligne le photographe aérien.

La formation des dirigeants des Premières Nations s’est faite sur le thème « Solidifier et aiguiser ses aptitudes entrepreneuriales », et c’est cette impression de force agile que m’ont donnée les entrepreneurs que j’ai rencontrés à HEC.