L’insécurité alimentaire devient un problème préoccupant. Pour aider, nos gouvernements expédient de l’argent à leurs citoyens sans toutefois savoir si ces sommes servent à l’achat de nourriture. Pourquoi ne pas créer une monnaie alimentaire ?

Les données sur l’insécurité alimentaire au Canada ont atteint des niveaux stupéfiants, soulignant l’ampleur de la crise. Cette année, on assiste à une hausse record du recours aux banques alimentaires avec plus de 2,5 millions de visites enregistrées entre avril 2022 et mars 2023, marquant une augmentation spectaculaire de 50 % par rapport à l’année précédente. De manière inquiétante, il n’y a pas de signaux indiquant que cette tendance pourrait ralentir. Un rapport publié le mois dernier par Banques alimentaires Canada a révélé qu’au-delà de 2 millions de Canadiens dépendent désormais des banques alimentaires.

Même Statistique Canada s’est jointe au chœur des statistiques alarmantes sur l’insécurité alimentaire, en annonçant que 18 % des familles canadiennes ont connu un certain degré d’insécurité alimentaire en 2022. Peu importe vers où l’on se tourne, les données sont indéniablement sombres.

Pour la condition dans laquelle se trouve notre société, plusieurs ont montré du doigt Ottawa, les provinces ou les détaillants, mais la réalité est que notre situation actuelle résulte d’une combinaison de divers facteurs qui n’ont rien à voir avec le Canada. Des perturbations au sein des chaînes d’approvisionnement, le conflit en Ukraine et les effets du changement climatique dans le monde entier ont tous eu un apport négatif. En fait, comparativement à de nombreux autres pays, le Canada s’en sort relativement mieux.

Par exemple, en Australie, le Foodbank Hunger Count 2023 indique que 3,7 millions de ménages, soit 36 %, ont connu différents niveaux d’insécurité alimentaire au cours de la dernière année. Au Royaume-Uni, plus tôt cette année, l’Agence des normes alimentaires (FSA) a révélé que l’insécurité alimentaire avait atteint 25 %.

Même aux États-Unis, le pays réputé pour ses aliments abordables, on a vu naître en plus grand nombre des défis alimentaires. Feeding America, la plus grande organisation américaine de secours contre la faim et de récupération alimentaire, a publié un rapport montrant que près de 49 millions de personnes, soit un Américain sur six, ont eu recours aux programmes d’aide contre la faim au cours de la dernière année, un ratio supérieur à celui du Canada.

Malgré l’exportation de plus de 85 milliards de dollars de produits agroalimentaires, il est désolant de voir tant de Canadiens souffrir de la faim. Les faits sont clairs, mais notre chemin pour réduire l’insécurité alimentaire reste moins évident. Les banques alimentaires témoignent de la résilience de l’esprit humain, accomplissant un travail remarquable avec des ressources limitées. Cependant, ces banques alimentaires sont conçues pour offrir un soutien temporaire, pas une solution permanente.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Banque alimentaire du quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal

De nombreux rapports fournissent une liste complète de recommandations, comme l’accélération de la construction de logements abordables et la mise en œuvre rapide de la Prestation canadienne pour l’invalidité, garantissant un revenu minimum. Cependant, ces mécanismes nécessitent un capital supplémentaire, une plus grande implication du gouvernement et une bureaucratie accrue. Comme nous payons déjà une somme substantielle d’impôts, nos gouvernements peuvent ne pas vouloir financer de nouveaux programmes coûteux qui pourraient devenir permanents, d’autant plus que le service de notre dette continue d’augmenter.

Néanmoins, il existe un programme qui pourrait offrir une aide bien nécessaire aux personnes dans le besoin sans mettre à rude épreuve les organismes à but non lucratif existants et sans ajouter de sommes considérables aux dépenses publiques.

La Nouvelle-Écosse, Montréal et la Colombie-Britannique ont lancé avec succès des programmes de coupons alimentaires communautaires. Notamment, la Carte Proximité dans le Grand Montréal ou des coupons nourriciers constituent d’excellents projets.

Ces diverses initiatives visent à soutenir les ménages à faible revenu dans l’achat d’aliments frais, nutritifs et localement sourcés, à renforcer la littératie alimentaire et à encourager des choix alimentaires sains. De manière notable, ces programmes fournissent aux ménages participants une allocation discrétionnaire régulière d’une monnaie alternative, connue sous le nom de « food bucks », ou dollar alimentaire, pouvant s’utiliser uniquement dans les marchés de producteurs.

Contrairement aux rabais d’épicerie, qui ont coûté au-delà de 2,5 milliards de dollars à Ottawa sans garantie de savoir si l’argent serait dépensé pour de la nourriture, ces coupons nourriciers ou dollars alimentaires sont valides uniquement pour l’achat de nourriture et pour le soutien des activités de nos agriculteurs.

Les coûts associés à la mise en œuvre de ces programmes représentent des sommes minimes. En Nouvelle-Écosse, cette mesure a coûté environ 350 000 $, tandis que le programme de Montréal a reçu le soutien financier de Desjardins pour 50 000 $. En revanche, le programme de la Colombie-Britannique, lancé en 2021, nécessite environ 1  million de dollars pour aider 10 000 ménages, même si la province vient au deuxième rang pour les taux les plus bas d’insécurité alimentaire du pays, à 16,9 %, selon Statistique Canada, malgré la hausse des prix immobiliers.

Si le Canada veut avoir un effet substantiel immédiat sur l’insécurité alimentaire, tout en obtenant le meilleur rapport qualité-prix pour son investissement, ce serait sans aucun doute avec un tel programme.