« Il n’y a pas eu d’électricité du tout pendant trois jours. Le courant est revenu il y a environ 36 heures. Toujours pas de l’internet. Nous sommes dans la zone H2V », écrivait Rae, le jour de Pâques.

« J’attends toujours internet dans Saint-Laurent H4L », a ajouté Maha, quelques heures plus tard.

« Moi aussi Maha ! », a relancé William.

Les échanges allaient bon train, durant le congé pascal, sur la page attribuée à Vidéotron sur le site downdetector.ca, qui répertorie les pannes dénoncées par les usagers dans divers services de télécommunications ou services en ligne.

Dans certains secteurs, des usagers ont perdu le service cellulaire ou internet alors qu’ils avaient encore de l’électricité. D’autres ont retrouvé l’électricité sans que leur connexion internet ressuscite.

Un autre mystère pascal, pour le néophyte.

« Même lorsque l’électricité est de retour dans un secteur, il est possible que les services de télécommunication y demeurent affectés, notamment si des infrastructures réseau (par exemple, tour de télécommunication et distribution du réseau filaire) se trouvent dans un secteur adjacent qui n’est pas encore alimenté en électricité », a expliqué par courriel l’équipe des affaires publiques de Vidéotron.

D’autres pannes du réseau de distribution de Vidéotron, que ce soit pour la télévision, la téléphonie ou l’internet, ont pu être causées par des dommages à ses fils et à son équipement.

En d’autres mots, il est fort probable qu’un client retrouve l’électricité, mais n’ait pas encore accès à son réseau, car l’équipement réseau est encore affecté par une panne dans un autre secteur ou par un bris.

Extrait d’un courriel de Vidéotron

Bell a connu des difficultés similaires. « La plupart des répercussions sur notre service internet sont attribuables à des pannes d’électricité généralisées. Toutes les autres répercussions sur le service internet étaient attribuables à des câbles endommagés par des branches et des arbres tombés », a indiqué Vanessa Damha, gestionnaire principale pour les relations médias, par courriel elle aussi.

Perdre le fil

Même sur les réseaux sans fil, on pouvait perdre le fil de la conversation.

« Il y a eu des antennes qui sont tombées en panne en raison du manque d’électricité », souligne Bruno Guglielminetti, animateur du podcast d’actualités numériques Mon Carnet. « Évidemment, ça va assez mal pour fonctionner quand il n’y a pas d’électricité. »

Certains utilisateurs pouvaient envoyer des textos sans être capables de converser, d’autres pouvaient parler, mais n’avaient pas accès aux données internet.

« Les réseaux sans fil dépendent de l’alimentation en électricité, et les sites cellulaires peuvent couvrir une grande distance selon la ligne de vue et la densité de la population. Par conséquent, même si un client a de l’électricité à son domicile, il se peut qu’il y ait eu une coupure d’électricité au site cellulaire lui-même », a informé Vanessa Damha.

« Certains clients ont subi une congestion du réseau sans fil parce que les gens utilisaient leurs appareils mobiles plus que d’habitude, ce qui peut avoir une incidence sur la capacité de faire des appels, d’envoyer des messages texte et d’accéder à des données sans fil. »

Tant Bell que Vidéotron ont déployé des génératrices pour réalimenter les points névralgiques de leurs réseaux et ont travaillé en étroite collaboration avec Hydro-Québec, assurent-elles.

L’évènement rappelle qu’une avancée technologique n’est pas nécessairement un progrès sur toute la ligne.

« Ça ramène toujours le bon vieux sujet de la dépendance de l’électricité pour tout le merveilleux monde de la télécommunication », observe Bruno Guglielminetti.

Finalement, les seuls qui n’ont pas été affectés, ce sont ceux qui avaient des bons vieux systèmes filaires en cuivre, qui avaient été installés à l’époque par Bell.

Bruno Guglielminetti

Et encore : si l’appareil filaire doit être branché sur la prise électrique, on n’est pas plus avancé en cas de panne. Ce qui n’était pas le cas des anciens appareils électromécaniques à roulette, se rappellera-t-on sans pécher par excès de nostalgie.

Où s’informer ?

Sur le même site downdetector.ca, les usagers se sont plaints de la difficulté à s’informer sur l’état du réseau ou la durée de la panne dans leur secteur.

Sur la page de vérification des pannes du site de Bell, le client peut vérifier si une panne de l’internet touche sa rue en inscrivant son adresse ou son code postal. Mais ni Bell ni Vidéotron ne proposent à leurs clients une carte interactive des pannes analogue au site Info-panne d’Hydro-Québec.

« Et pour l’avoir vécu, je vous dirais que même quand on téléphone à une de ces entreprises-là, selon qu’on fait la demande par téléphone ou par la voie du service web, on n’a pas le même type de détail par rapport à la même panne. Il faut le faire ! », s’exclame Bruno Guglielminetti, que son expertise n’a pas mis à l’abri du verglas.

« C’était Vidéotron. On ne me donnait aucune information au téléphone. L’agent me disait : “Il y a une panne, monsieur, alors il y a une panne.” Tandis qu’en passant par leur site internet de clavardage, j’ai été capable d’avoir une information par rapport à mon secteur à Montréal et d’avoir une évaluation du temps de traitement de cette demande, plus l’envoi d’un technicien. »

Le suivi et l’expérience client n’étaient pas du tout pareils selon qu’on passe par le téléphone ou par l’internet, et j’avoue que ça, ça a soulevé quelques questions.

Bruno Guglielminetti

L’intervention d’un autre expert a été perturbée par l’objet même de l’entretien.

« Malheureusement, je suis moi-même encore victime des pannes et je ne peux pas vraiment me rendre disponible pour une entrevue », a informé Jean-Charles Grégoire, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS et expert en infrastructures de télécommunications.

« Les compagnies ont une idée des pannes, mais ne produisent pas une carte comme le fait Hydro-Québec. L’excuse sera probablement des raisons de concurrence – des statistiques pourraient être utilisées à des fins publicitaires [dans un sens négatif] », a-t-il néanmoins réussi à transmettre.

Bell et Vidéotron auraient pourtant avantage à jouer cette carte qu’elles conservent dans leur manche.

« Hydro-Québec l’a vu à l’usage : le nombre d’appels à son centre d’appel a réduit le jour où elle a lancé son service Info-pannes, parce que les gens arrivaient à se localiser géographiquement et à avoir le détail de la panne, constate Bruno Guglielminetti. Ce serait tellement simple pour Vidéotron, Bell et les autres d’instaurer un service comme celui-là. Au niveau du service à la clientèle, ça serait un geste de plus et il y aurait une diminution de charge de travail dans leurs centres d’appel. Mais pour le moment, ni l’un ni l’autre n’a l’air de vouloir bouger là-dessus. »