La mairesse de Montréal Valérie Plante a annoncé cette semaine que la circulation automobile sera interdite sur la voie Camillien-Houde, sur le mont Royal. En lieu et place : une « grande promenade » entièrement consacrée aux piétons et aux cyclistes. Nos chroniqueurs débattent de ce projet de 92 millions de dollars qui devrait voir le jour en 2027.

Philippe Mercure

Il était temps ! Six ans après la mort du cycliste Clément Ouimet, voilà qu’on réaménage enfin Camillien-Houde. Verdissement des lieux, nouveau belvédère, voies séparées pour les piétons et les cyclistes : le projet est emballant et changera profondément le visage de ce parc, véritable joyau de la métropole. La mairesse a raison de dire que le mont Royal ne doit pas servir de « raccourci » aux automobilistes trop paresseux pour contourner la montagne – surtout que la cohabitation entre cyclistes et automobilistes y est vraiment problématique.

Nathalie Collard

Oui, il y a eu beaucoup de promesses au lendemain de la mort tragique de Clément Ouimet. Et quelques initiatives plus ou moins réussies qui n’ont pas empêché des accidents. Je crois qu’il fallait interdire les voitures sur Camillien-Houde. Le hic, car il y a un hic, c’est qu’on interdise aussi les autobus. C’est une grave erreur à mon avis qui pénalise les Montréalais qui habitent à l’est du mont Royal. L’entrée Remembrance, c’est super quand tu habites Westmount ou Côte-des-Neiges, ou quand tu viens de l’Ouest-de-l’Île, mais on vient drôlement compliquer le trajet des gens qui avaient l’habitude de débarquer au métro Mont-Royal et qui prenaient l’autobus 11 pour se rendre à la montagne. Et je ne parle même pas des gens qui n’ont pas la forme physique pour monter au sommet à pied. On leur dit quoi à eux ?

Philippe Mercure

On leur rappelle que la montagne restera parfaitement accessible aux automobilistes et aux usagers des transports en commun ! C’est important de le souligner. Les autobus continueront de grimper la montagne — ils le feront simplement sur l’autre flanc, par Remembrance comme tu le dis. On ne parle quand même pas de contourner le Massif central de France, mais bien d’un détour d’à peine quelques kilomètres. Aussi important : les flancs de la montagne, dont le très fréquenté parc Jeanne-Mance, demeurent extrêmement faciles d’accès par l’est, y compris en transports en commun. Ce n’est pas comme si on coupait la montagne aux Montréalais !

Nathalie Collard

Tu écris « un détour de quelques kilomètres ». J’avoue, j’ai ri. En temps montréalais, ça veut dire combien de minutes supplémentaires ? 30 ? 45 ? 60 ? Je ne te parle pas des gens en pleine forme qui peuvent marcher du métro Mont-Royal jusqu’au monument à sir George-Étienne Cartier, puis attaquer la montagne à pied jusqu’au belvédère ou, encore mieux, jusqu’à la croix au sommet. Non, je te parle des gens qui aiment aller s’asseoir près du lac aux Castors, ou des parents qui veulent emmener leurs enfants à l’aire de jeux, et qui le faisaient somme toute rapidement par l’autobus 11. Crois-tu sincèrement que la circulation sera fluide si toutes les voitures et les bus empruntent le chemin Remembrance ? J’ai bien peur que les jours de beau temps, ce sera un embouteillage du matin au soir. Je suis certaine que cette nouvelle configuration enchante les cyclistes vêtus de lycra de la tête aux pieds, mais ça réduit l’accès aux gens plus vulnérables.

Philippe Mercure

Tout projet implique des compromis. OK, les gens du sacro-saint Plateau-Mont-Royal devront faire un léger détour pour accéder précisément au lac aux Castors. Mais je t’invite à parler aux citoyens d’Outremont. Pour eux, la voie automobile coupe l’accès à la montagne. Plusieurs sont heureux de savoir que cette cicatrice disparaîtra. Quant aux gens vulnérables, les stationnements seront plus nombreux côté Remembrance justement pour les accueillir. Impossible par ailleurs de parler de gens vulnérables sans parler des cyclistes, qui risquent carrément leur vie avec la configuration actuelle. Qu’on aime ça ou non, les sportifs ont adopté la montagne et sont là pour de bon – ce qui devrait nous réjouir alors qu’on cherche à promouvoir l’exercice. Or, il est tout simplement impossible d’assurer la sécurité des cyclistes avec des autos qui les frôlent, les accidents le démontrent. Et un autobus, Nathalie, c’est encore plus gros qu’une voiture. Tu ne plaides tout de même pas pour un élargissement de la route en plein parc naturel ?

Nathalie Collard

Absolument pas. Je plaide pour un accès universel au parc. Tant mieux pour les gens d’Outremont, mais on va se le dire, ils sont déjà gâtés. En plus d’être voisins de la montagne, ils sont entourés d’arbres matures et de magnifiques parcs. Quand je te parle de gens vulnérables, je ne parle pas seulement de gens à mobilité réduite. Je parle des gens qui vivent entassés dans des tours à appartements, dans des quartiers où la verdure se fait rare. Des gens qui n’ont pas accès à des jardins manucurés et qui n’ont pas les moyens d’aller au chalet les week-ends. Pour ces Montréalais qui ne vivent pas dans le Plateau, mais encore plus loin à l’est, le mont Royal, c’est la nature accessible au coût d’un billet de la STM. Je pense que la Ville pourrait très bien prévoir un genre de trolleybus électrique qui grimperait la montagne par le chemin Camillien-Houde et qui cohabiterait avec les piétons et les cyclistes.

Philippe Mercure

Nathalie, je suis un gars de compromis. Et je n’ai rien contre les « genre de trolleybus électriques ». Pourrait-on en insérer un sans compromettre la sécurité des autres usagers ? Quitte, peut-être, à réduire l’espace pour les piétons, qui ont quand même d’autres sentiers plus intéressants (et moins abrupts !) pour gagner le sommet ? Il faudrait voir la faisabilité et les coûts. Disons que j’ai de gros doutes, mais je ne demande qu’à être convaincu. Chose certaine, il faut se rappeler que l’endroit s’appelle le PARC du Mont-Royal. Pas l’autoroute du Mont-Royal.

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