« Tu n’as pas l’air autiste… »

C’est quoi, au juste, avoir « l’air autiste » ? Depuis que j’ai eu mon diagnostic, j’entends ce type de phrase. Je crois que certains s’imaginent les autistes se tapant dans les mains, sautillant sur place lorsqu’ils sont contents ou ayant des difficultés à entrer en contact avec les gens.

Oui, certes, l’autisme est un spectre. Il y a toutes sortes de personnes qui y sont représentées. Tout comme pour les neurotypiques (les personnes non autistes). On y retrouve des gens de tous les quotients intellectuels, de tous les défis (troubles moteurs, troubles de la parole), de tous les handicaps possibles. Ce qui nous unit, c’est la particularité de notre cerveau de fonctionner différemment.

Plusieurs autistes, dont moi, ne l’apprendront qu’une fois adultes. Nous aurons su manœuvrer dans le monde en nous forgeant un masque, en camouflant nos traits à force d’essais et d’erreurs dans la petite enfance. Au prix de notre énergie et de notre santé mentale.

Plusieurs femmes, surtout. Nous avons cru à tort que l’autisme était une affaire de gars. Mais plus la science avance, plus les femmes autistes sont reconnues. Entendons-nous, ici : l’autisme n’est pas une maladie qui se guérit. C’est une neurodivergence. Nous sommes nés autistes, nous ne sommes pas « atteints » d’autisme, ni ne « souffrons » d’autisme (quoique cela entraîne parfois certaines souffrances).

Certes, les autistes, nous semblons souvent avoir divers troubles endocriniens, hormonaux, digestifs ou auto-immuns de façon plus élevée que la moyenne des ours. Mais c’est parce que nous sommes autistes qu’il en est ainsi, et non l’inverse. Il est bien d’apporter des correctifs pour régler certains troubles alimentaires si nous les identifions, mais ils ne « guériront » pas qui nous sommes !

Devenir invisible

Notre neurodivergence apporte probablement des déficits sur le plan de nos structures de fonctionnement cérébral, mais je laisserai ici des gens plus spécialisés que moi commenter le sujet. Mais si je n’ai pas « l’air autiste », c’est parce que j’ai compris que ça dérangeait les gens autour de moi quand j’exprimais mes émotions de façon plus décomplexée. C’est parce qu’on m’a probablement fait la remarque, enfant, que je pleurais trop souvent ou pour rien. C’est parce que j’ai compris qu’en étant le plus invisible possible, je parvenais à naviguer en toute sécurité dans la société.

Cela n’enlève pas mon besoin d’apaisement (que je satisfais en jouant discrètement avec un bout de tissu dans ma poche). Cela n’empêche pas que de me bercer me fait du bien et permet à mon cerveau de retrouver un état d’équilibre, ni que mon corps, une fois surchargé, ne veut plus fonctionner adéquatement et me force à me reposer.

Je ne suis ni triste ni désolée d’être née ainsi ; je suis surtout heureuse et soulagée de pouvoir enfin me comprendre, de savoir qu’il existe des moyens pour m’aider à me sentir mieux et pour respecter mon corps et ses limites. Je suis une personne sensible et colorée. Drôle et efficace. Intelligente et fragile. Et surtout utile.

Utile comme maman, utile pour contribuer à la société, utile comme sœur, amie, amoureuse. Mais je suis aussi autiste, ça a l’air !

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