L’auteur réplique à la chronique « Les médias doivent se remettre en question », de Maxime Pedneaud-Jobin

Dans un texte publié le 11 janvier dernier, Maxime Pedneaud-Jobin disait souhaiter pour 2024 « des médias capables de plus d’autocritique ». Pour l’ancien maire de Gatineau devenu chroniqueur, les médias doivent se remettre en question.

M. Pedneaud-Jobin a raison. La critique est essentielle dans une société démocratique, et les médias comme les journalistes ne sont pas à l’abri. Il est tout à fait légitime de se poser des questions sur nos institutions démocratiques, dont nos médias, qui jouent un rôle essentiel dans la société québécoise. Tout comme il est légitime de se questionner sur les mécanismes de reddition de comptes des médias et des journalistes. Il y a certainement place à des améliorations.

Mais la crise de confiance n’est pas propre aux médias québécois. C’est un phénomène mondial, qui touche toutes les institutions, de plus en plus critiquées par le public.

À la FPJQ, nous sommes bien conscients de ce phénomène et nous savons que la confiance est essentielle dans ce rapport qui existe entre les médias (et les journalistes) et le public. Il n’est donc pas question ici de rejeter les critiques à l’endroit des médias et des journalistes. Nous croyons cependant que le cadre d’analyse doit être élargi pour mieux comprendre ce qui est en train de se passer.

Il faut surtout éviter les raccourcis sur ces questions trop importantes pour être résumées à l’équation suivante : si les gens ne vous font plus confiance, c’est parce que vous faites un mauvais travail.

Si l’on cite régulièrement des études sur la baisse de confiance du public envers les médias, celles-ci reposent essentiellement sur des sondages. Ces chiffres ne sont pas à négliger et il faut en tenir compte. Mais il y a plusieurs variables à considérer dans cette équation. La confiance est une affaire complexe, surtout quand il est question d’information.

Voici trois facteurs qu’on a souvent tendance à écarter quand on analyse la confiance du public à l’endroit des médias.

1. Selon une étude sur la désinformation réalisée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 2018, les fausses nouvelles circulent six fois plus rapidement que les vraies nouvelles. Ce n’est qu’une étude parmi d’autres sur ce sujet qu’on commence à mieux comprendre. Mais à une époque où il devient de plus en plus difficile de distinguer les vraies nouvelles des fausses nouvelles, quel impact cela a-t-il sur la perception du public à l’endroit des médias et des journalistes ?

2. Depuis plusieurs années, les médias ont multiplié l’espace accordé à l’opinion. Des journalistes, mais aussi divers experts et d’ex-politiciens donnent leur avis sur de nombreux sujets. À un point tel qu’il devient difficile pour le public de faire la différence entre le travail journalistique et l’opinion d’autres observateurs de la société. Combien de fois ai-je entendu une personne critiquer les journalistes après avoir lu une chronique dont l’auteur n’est pas journaliste ? Ce n’est pas pour rien que les journalistes affirment qu’ils doivent mieux expliquer leur travail. Dans un monde de plus en plus polarisé, quel impact cette méconnaissance du travail journalistique peut-elle avoir sur la confiance du public à l’endroit des médias ?

3. De plus en plus d’acteurs instrumentalisent le travail des journalistes à des fins politiques. La saine critique est toujours légitime, mais est-ce le cas quand on s’en prend régulièrement aux messagers pour les décrédibiliser, dans le seul but de gagner des points auprès de ses partisans ? Des politiciens critiquent abondamment les médias d’information, qu’on accuse d’être biaisés, et parfois même de faire de la désinformation. Mais ces politiciens se réfèrent à ces mêmes médias quand ils publient une nouvelle qui sert leurs intérêts. Quand des personnalités importantes tiennent des discours ambigus sur les médias et les journalistes, quel impact cela a-t-il sur la confiance du public ?

Quand on parle de la baisse de confiance du public à l’endroit des médias et des journalistes, il est important d’aborder la question sans se cantonner dans une vision en tunnel. Tous les facteurs pouvant influencer cette confiance doivent être analysés.

Par ailleurs, contrairement à ce que certains pensent, les journalistes sont capables d’autocritique. C’est ce qu’ils font tous les jours. Il peut y avoir plusieurs versions d’un reportage ou d’une enquête avant sa publication. La critique est constante dans notre travail.

Le travail journalistique, c’est comme un iceberg : la partie visible, c’est seulement le résultat. Tout le travail réalisé est invisible pour le public.

Bien sûr, des erreurs sont commises, tel qu’on peut le constater chaque fois qu’un média publie un erratum. Tout n’est pas parfait. Mais la crise des médias, qu’il soit question de confiance ou de modèle d’affaires, ce n’est pas uniquement le problème des médias et des journalistes. C’est un enjeu de société qui nous concerne tous.

Lisez la chronique « Les médias doivent se remettre en question » de Maxime Pedneaud-Jobin Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue