Un an moins un jour après une éclatante victoire aux élections générales, la Coalition avenir Québec (CAQ) a perdu une élection partielle qu’elle pensait pouvoir gagner. Ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps.

Il y a plusieurs raisons à la défaite de la candidate de la CAQ, lundi soir, dans Jean-Talon, à Québec. La principale est un changement de cap, ou au moins d’attitude, de la part du gouvernement Legault depuis sa réélection.

Au cours du premier mandat, il formait un gouvernement populiste. Il allait donner aux électeurs ce qu’ils voulaient, même si cela voulait parfois dire de ne pas s’inquiéter de garde-fous comme les chartes des droits, comme pour les lois 21 et 96.

La pandémie aidant, le premier ministre a enfilé les habits de Papa Legault, celui qui allait protéger les Québécois contre le virus. Un rôle qu’il a joué avec grand talent dans ses points de presse quotidiens, même quand il a fallu « mettre le Québec sur pause ».

Mais depuis sa réélection, ce qui caractérise son gouvernement, c’est l’affairisme et la volonté de rattraper le niveau de richesse de nos voisins de l’Ontario.

Le premier ministre ne parle plus que d’investissements, de productivité, de développement, bref de brasser de grosses affaires. Une attitude qui a connu son apogée avec l’annonce de l’implantation de l’usine de batteries de Northvolt en Montérégie.

Normalement, l’annonce du plus gros investissement privé de l’histoire du Québec, quelques jours avant une élection partielle, aurait dû avoir un effet positif sur les électeurs.

Or, c’est le contraire qui s’est produit. Il y a plusieurs raisons à cela. Les citoyens ne peuvent que constater que les services publics se détériorent, que les attentes aux urgences n’ont pas diminué, que beaucoup de gens n’ont pas encore de médecin de famille et que les plafonds tombent littéralement sur la tête des élèves dans les écoles.

Québec n’a pas vraiment d’argent pour assurer la qualité des services publics, mais il y avait des milliards de dollars en subventions pour la « filière batterie ». Pour bien des citoyens, c’est difficile à suivre.

C’était aussi un enjeu important dans la circonscription de Jean-Talon. Les capitales ne sont pas seulement des lieux de pouvoir, ce sont aussi, par la force des choses, des villes avec une grande concentration de fonctionnaires.

Or, les employés du secteur public sont en colère contre le gouvernement, comme le démontrent les fortes majorités aux votes de grève qui ont été tenus ces derniers mois. Des fonctionnaires qui ne sont plus certains que le gouvernement de la CAQ soit « un bon boss ».

Parler, comme le premier ministre Legault l’a fait toute la semaine dernière, de ces « emplois bien payés » qu’on allait créer dans la méga-usine de Northvolt laissait un goût amer aux employés de l’État auxquels on offre des augmentations de salaire décidément bien modestes.

D’autant que la pénurie de main-d’œuvre actuelle justifierait une hausse de rémunération qui permettrait de retenir le personnel dans les services publics.

Enfin, il y a la question du troisième lien. Difficile de penser que ce ne fut pas à l’esprit des électeurs de Jean-Talon. Pas tant pour l’abandon du projet, qui était prévisible. Mais pour le cynisme d’avoir maintenu la promesse tout au long de la campagne électorale l’an dernier, pour ensuite l’abandonner peu après.

Mais dès le lendemain de l’élection partielle, le premier ministre retournait encore sa veste et il n’écartait plus un troisième lien autoroutier.

« Je vais d’abord écouter la population. Si la population veut quelque chose de nouveau, on va regarder quelque chose de nouveau », a affirmé M. Legault en point de presse au début de l’après-midi.

Bref, c’est comme si l’élection partielle de Jean-Talon signifiait la fin de l’épisode du premier ministre affairiste et le retour du premier ministre populiste. Comme si M. Legault pouvait passer à volonté d’un personnage à l’autre.

Pas étonnant que la réaction première de bien des gens ait été une sorte d’incrédulité : comment un premier ministre peut-il changer d’idée aussi rapidement et rester crédible ? Mis au courant des propos de leur chef, même ses ministres semblaient ne pas en croire leurs oreilles.

Par ailleurs, la belle victoire du candidat péquiste Pascal Paradis ne changera pas vraiment la routine du Salon bleu, mais elle signifie un réarrangement certain des forces politiques.

C’est une victoire importante pour le Parti québécois (PQ) qui a souvent été laissé pour mort depuis le dernier scrutin. Avec quatre députés au lieu de trois, le PQ devra certes continuer à être ingénieux pour passer ses messages. Mais il redevient une force que les autres partis ne peuvent plus ignorer.

Pour la CAQ, des changements de personnel s’imposent. Un an à peine après une réélection facile, un remaniement ministériel devient incontournable. Et la crise du logement devra devenir une priorité, ce qui impliquera, bien sûr, un nouveau responsable du dossier.

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