Pour « Bibi » (Benyamin Nétanyahou) et contre « Bibi », droite et gauche, religieux et laïques, ashkénazes et sépharades, vétérans et nouveaux immigrants, Juifs contre Arabes, ultra-orthodoxes contre Israéliens.

Ma traduction de propos d’un livre que je vous ai recommandé très récemment, The Land of Hope and Fear : Israel’s Battle For Its Inner Soul, d’Isabel Kershner.

J’ai senti le besoin de remettre le nez dedans, à la lumière des tueries commises par le Hamas et la réplique de Tsahal, l’armée de défense d’Israël, depuis trois semaines.

Avant le début de cette guerre, Israël était en proie à des manifestations quotidiennes pour contrer un pouvoir de droite dirigé par un filou, et premier ministre à répétition, Benyamin Nétanyahou, surnommé Bibi, copié-collé de Donald Trump.

PHOTO MAYA ALLERUZZO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Benyamin Nétanyahou, premier ministre d’Israël

Un PM qui veut tronçonner les pouvoirs de la Cour suprême de son pays, afin de modifier les lois et se donner l’absolution face à des poursuites criminelles dont il fait l’objet.

Le livre de madame Kershner fait une démonstration spectaculaire de l’agonie de l’état d’esprit kibboutzien qui a procédé à la création d’Israël, ce socialisme sioniste qui aurait fait triper Karl Marx.

Les kibboutz, ces villages collectivistes, qui sont devenus pour beaucoup un symbole distinctif de la création d’un foyer national pour un peuple historiquement mal aimé et persécuté. Les hippies y ont même vu pendant des années un passage ésotérique ultime.

Alors que notre attention est concentrée sur ce conflit sanguinaire qui nous meurtrit, même à distance, nous oublions qu’Israël était un pays profondément divisé il y a encore de cela un mois.

Ce qui explique pourquoi les Israéliens ont eu besoin de cinq scrutins, en moins de quatre ans, pour se donner ultimement un gouvernement de droite dirigé par Bibi, et ce, « par la peau des dents ».

Il a réussi à rassembler une majorité en vendant son âme au diable, à des rongeux de balustres, des ultra-orthodoxes représentés dans des partis marginaux, incontournables dans les circonstances.

Longue histoire courte : une fracture profonde fend ce pays en deux, entre des libéraux, au sens idéologique du terme, et une droite qui doit baiser la bague de ces religieux pour sa bonne fortune politique.

Ces fondamentalistes, un groupe qui grossit à vue d’œil, se reconnaissent plus dans le judaïsme que dans la citoyenneté israélienne.

Ils sont juifs, ultra-orthodoxes, souhaitant vivre leur foi en autarcie, avant d’être israéliens. Leur existence quotidienne est guidée par leurs préceptes religieux voués au messianisme, et à l’obéissance à leurs rabbins.

Ils s’opposent donc aux citoyens laïcs, dont ils peuvent même considérer le mode de vie comme hérétique.

Ces hommes en noir sont des radicaux qui souhaitent une Palestine juive « mur à mur ».

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Un juif orthodoxe déambule devant le mur Occidental, sur lequel est projetée l’étoile de David, symbole du drapeau israélien.

Ils mettent ainsi leur poids politique pour la multiplication des colonies juives en territoire palestinien, actuellement en Cisjordanie, comme autant de contaminations territoriales qui entravent la définition éventuelle d’un État palestinien.

Ils sont conséquemment les pires ennemis d’une paix négociée, et de la création de deux entités autonomes : Israël et la Palestine.

Ils utilisent aussi leur pouvoir politique pour obtenir des privilèges, comme par exemple être exemptés du service militaire obligatoire en Israël. Une très grande proportion de cette communauté ne travaille pas, trop occupée à l’étude des enseignements que Dieu aurait transmis à Moïse.

Ces réactionnaires détiennent la balance du pouvoir politique en Israël, Bibi étant devenu leur suppôt s’il veut rester aux commandes et se démerder avec la justice.

Et l’évolution de la démographie en Israël semble leur garantir ce pouvoir pour une traite : le bureau central de la statistique de ce pays prévoyant qu’en 2065, ces ultra-orthodoxes, et les Arabes citoyens d’Israël, y compris les habitants de Jérusalem-Est, constitueront ensemble plus de 50 % de la population du pays.

Si vous croyez que la situation actuelle est bordélique, nos enfants verront pire ! À moins d’un cataclysme politique, pour le court terme. Lequel cataclysme vient peut-être de se produire.

Depuis le début du présent conflit, les sondages en Israël traduisent un profond sentiment de colère de l’ensemble de la population envers le régime Nétanyahou. On lui impute la responsabilité du manque de vigilance qui a mené à l’assassinat de 1400 de leurs compatriotes par le Hamas.

On ne connaît pas la suite de ce conflit, mais on peut croire qu’il y aura un jour une suspension des hostilités pour un certain temps, bien qu’éphémère.

Il faudra voir alors si Bibi aura encore la force politique pour continuer son œuvre de destruction des pouvoirs de la Cour suprême, et si sa coalition de plusieurs partis politiques tiendra, sinon Israël aura droit à une autre élection.

En conséquence, on saura si cette colère se transformera en une défaite coup de pied au cul de la droite, une victoire de la sécularité sur la religion, ce qui serait politiquement séismique.

Auquel cas, Bibi ne pourrait plus attaquer les pouvoirs de la cour, et serait éventuellement condamné à la prison, s’il est déclaré coupable des accusations criminelles en cours.

Comme son sosie, Trump, qui lui, s’il perdait la prochaine présidentielle, pourrait subir le même sort avec le procès qui s’en vient dans l’État de la Géorgie.

Une fin de siamois.

Entre nous

Éclipser le Hamas ? Ben oui ! Ben non ! Pas possible en laissant dans la misère le peuple palestinien, surtout sa jeunesse sans espoir, dont la seule façon d’exister et de se distinguer est justement de combattre, donc d’adhérer au Hamas et autres milices, qui ne manqueront jamais de gladiateurs.

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