François Legault se dit attristé que certaines personnes critiquent et ne comprennent pas la valeur de grands projets comme Northvolt. Émouvant, mais il devrait s’aider un peu.

On aurait le goût de lui répondre que quelque part il a raison, mais qu’en même temps il ne s’agit peut-être là que d’une faible expression d’un sentiment plus répandu sur l’inquiétude des Québécois concernant le processus décisionnel du gouvernement.

Cette préoccupation renforce le malaise ambiant concernant les investissements dans des projets comme Northvolt.

Et il n’y a pas que la population qui est désarmée face à la difficulté de suivre la cohérence gouvernementale dans certains gestes politiques. Le milieu des affaires l’est tout autant.

Il est quand même ahurissant de constater le fossé qui s’est créé en si peu de temps entre la population et la CAQ, et le milieu des affaires ne fait pas bande à part en cela.

Plus bluffant encore est ce sentiment que le gouvernement ne saisirait pas les messages qui lui sont transmis par les citoyens, à constater son comportement depuis le retour des Fêtes.

La CAQ et monsieur Legault ont marché sur les eaux pendant cinq ans. Cet état de grâce a sûrement créé un sentiment d’invulnérabilité dont ils semblent difficilement capables de se défaire.

Ils doivent comprendre que ce temps-là et la sainteté sont révolus, d’où l’inutilité à persister dans l’obsession de la communication et de l’astuce politique à outrance.

Il y a de la sagesse des foules dans le décrochement des Québécois face à ces tactiques dont ils ne peuvent plus. Pas fou à temps plein, ce monde-là !

Ce gouvernement, dont plusieurs membres sont issus du monde des affaires, veut sincèrement augmenter notre richesse collective, nous n’en avons aucun doute.

Mais quand on constate les énormités qu’ont été ces histoires de troisième lien et de financement populaire des partis politiques, par exemple, on en vient à douter sérieusement du cheminement critique qui mène aux décisions gouvernementales.

Et ce doute inclut des décisions économiques qui coûtent des milliards de dollars, comme Northvolt, et qui pourraient altérer sérieusement l’avenir financier de l’État, en cas d’échec. Et l’État, c’est nous !

On a la fâcheuse impression qu’on discute d’un projet seulement entre quelques gars – vous avez bien lu, que des gars – et toujours les mêmes, en se faisant accroire qu’on l’a, la patente, et qu’on est capables de prendre des décisions sur les vraies affaires, nous autres ! (Les vraies affaires… pus capable de l’entendre, celle-là !)

C’est le cas des énormes investissements dans l’industrie de la batterie, et des orientations décrétées sur l’utilisation d’Hydro-Québec et de notre avenir énergétique à des fins industrielles, inclinations qui peuvent parfois sembler débridées.

Ce qui rend encore plus perplexe est le secret, l’opacité qui planent sur trop de tenants et aboutissants de ces décisions d’investissements.

La protection d’informations de nature commerciale est importante, on le sait, mais cela peut devenir trop facilement un alibi passe-partout. Et là, c’en est trop, on ne veut plus seulement le croire, on veut savoir !

Parce que plus on voit le gouvernement aller, moins on a confiance, tout simplement. Nous sommes dubitatifs, et la confiance s’étiole encore plus à chaque nouvelle bourde gouvernementale sur d’autres sujets.

Et il y a cette prétention des élus issus du secteur privé. Cette idée qu’on comprend mieux que tout le monde, qu’on est pas mal plus fins que nos prédécesseurs, des politiciens de carrière, et plus intelligents que toute la bureaucratie coast to coast !

Il y a du bon et du mauvais dans cette posture mentale.

Bravo si cette énergie peut accélérer les décisions qui stagnent dans la machine, cette organisation qui a trop souvent peur de son ombre.

Le mauvais côté est ce trop-plein de testostérone qui fait prendre des raccourcis qui peuvent aussi vous rebondir en pleine gueule.

Bien sûr, c’est achalant de devoir toujours expliquer quand on gouverne. Mais voilà, c’est la différence entre les organisations privées et les organisations publiques. Ça fait partie de la job et c’est dans la description de l’emploi.

Parce que là, les boys, vous jouez avec notre argent, pas juste le vôtre. Et n’allez pas croire que nous ne comprendrions pas les mystères de vos transactions, on n’est collectivement pas si bêtes que ça, et quelques-uns qui s’y connaissent un ti-peu !

Quand on constate les auto-crocs-en-jambe que ce gouvernement s’inflige régulièrement, on craint que ce soit aussi possible dans les grandes décisions économiques, et que ça pourrait nous coûter mauditement cher.

Alors, ouvrez les livres et reconnectez avec la population !

Si tous ces deals, à même notre portefeuille collectif, et votre vision sur notre avenir énergétique ont du bon sens, on saura apprécier et on applaudira !

Entre nous

On appelle ça se faire caller son bluff ! Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) et le Parti québécois (PQ) se référaient aux études du brillant économiste québécois Pierre Fortin pour justifier un seuil annuel d’immigration permanente au Québec à 35 000 nouveaux arrivants. Mais voilà que Vincent Brousseau-Pouliot, avec son excellente chronique de mardi dernier dans La Presse, nous apprend que monsieur Fortin lui a récemment confirmé ceci : « Entre 50 000 et 60 000, c’est correct comme nombre. » On parle toujours ici de seuil d’immigration permanente annuel. Oups ! Embêtant, vous dites ? On attend les réactions du PQ et de PSPP…

Lisez la chronique « L’immigration, l’économie et le seuil des 35 000 immigrants du PQ »
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