Est-on en train d’assister, lentement mais sûrement, à la création d’un premier train à grande vitesse (TGV) au Canada, entre Québec et Toronto ?

C’est loin d’être fait. Mais voyons le verre à moitié plein : on n’a jamais été aussi près d’avoir un TGV au Canada !

Il s’est passé quelque chose de très encourageant dans ce dossier à la fin du mois de février : pour la première fois depuis quatre ans, une filiale de VIA Rail a confirmé étudier des options de vitesse d’un TGV européen pour son projet de nouveau train entre Québec et Toronto.

On parle de faire Toronto-Montréal en train en moins de trois heures, Québec-Montréal en moins d’une heure et demie, ainsi que Montréal-Ottawa en moins d’une heure. Ce serait plus rapide que l’avion et l’auto.

Bref, ce serait la révolution attendue depuis des décennies en transport sur l’axe Québec-Toronto !

« On va développer un scénario qui plaît aux utilisateurs. Si on est pour le faire, il faut s’assurer que les Canadiens vont abandonner leur char pour sauter dans le train. Il faut que ce soit rapide », disait Martin Imbleau, PDG de VIA TGF, filiale de VIA Rail responsable de ce projet, en entrevue à RDI le 20 février.

Depuis quatre ans, VIA Rail et le gouvernement fédéral étudient la possibilité de construire un train à grande fréquence (TGF) sur des voies ferrées réservées exclusivement aux trains de passagers entre Québec et Toronto. Au départ, ça devait seulement être un train plus fiable et plus fréquent. Un TGV comme en Europe était trop cher, disait Ottawa.

Au cours de la dernière année, le gouvernement Trudeau s’est montré graduellement plus ouvert à l’idée de profiter des travaux qui s’annoncent pour se doter d’un train rapide comme en Europe, en plus d’être fiable et fréquent. La filiale de VIA Rail a donc demandé à trois consortiums des options où les trains sont plus rapides.

Puis, le 20 février dernier, à notre collègue Julien Arsenault⁠1, puis devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Martin Imbleau a dévoilé pour la première fois sur quels temps de trajets les consortiums travaillaient. Agréable surprise : la vitesse moyenne des options étudiées varie entre 155 km/h et 180 km/h. C’est aussi rapide que certains TGV européens !

« On veut un service performant »

Le gouvernement fédéral, qui paiera la facture, prendra la décision finale. Mais la vision du PDG de VIA TGF Martin Imbleau est claire : il veut convaincre Ottawa de payer plus cher pour avoir une vitesse moyenne assez importante afin de changer les habitudes de transport des Canadiens.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Imbleau

On ne veut pas un service qui ne coûte pas cher [à construire], on veut un service performant. Le coût [final du projet] va aller avec sa rentabilité et son utilisation.

Martin Imbleau, PDG de VIA TGF, en entrevue

Pour Montréal-Toronto, actuellement, ça prend au moins cinq heures en train. Or, le scénario le plus « lent » qu’on veut présenter au fédéral, c’est un trajet de 3 h 30, où le train irait en moyenne à 155 km/h. Et le plus rapide, c’est un trajet de moins de 3 h, en moyenne à 180 km/h.

Pour Montréal-Québec, on travaille sur des temps de trajet entre 2 h 15 et moins de 1 h 30 (ça prend environ 2 h 45 en auto de centre-ville à centre-ville). Pour Montréal-Ottawa, les temps de trajet varient entre 1 h 30 et moins de 1 h, alors qu’il faut 2 h en auto. « C’est majeur comme ambition », dit Martin Imbleau.

À la suite du passage de M. Imbleau à la Chambre de commerce, nous vous avons demandé, chers lecteurs, si vous étiez prêts à changer vos habitudes de transport avec un TGV Québec-Toronto. Sur les 87 lecteurs qui ont répondu à la question, 82 ont dit oui. Rares sont les projets qui obtiennent un tel appui (94 %).

« Il est temps que le Canada propose des alternatives à l’auto solitaire et l’avion pour se déplacer dans le corridor le plus achalandé du pays », nous écrit notamment Natasha Beauséjour. Découvrez l’avis d’autres lecteurs dans l’écran suivant.

Au mieux vers 2035

Quand pourrait-on prendre ce fameux TGV Québec-Toronto ? Si tout va pour le mieux, quelque part vers 2035 ! Ne soyez pas surpris si on divise le projet en plusieurs phases. Et ça, c’est la version optimiste.

La prochaine étape : d’ici la fin de 2024, le gouvernement fédéral doit choisir le consortium avec lequel elle élaborera le projet.

Puis, quelque part en 2025, la filiale de VIA Rail et le consortium choisi présenteront au gouvernement fédéral des options pour construire la nouvelle ligne de train Québec-Toronto. C’est à ce moment que le fédéral devra trancher sur la vitesse.

Évidemment, plus le train va vite, plus le projet coûte cher. Aussitôt qu’un train atteint 177 km/h, la réglementation fédérale exige des viaducs pour passer dans les villes, ce qui est plus sécuritaire que les passages à niveau actuels.

En pleine crise climatique, veut-on un TGV qui changera la façon de se déplacer entre Toronto et Québec en offrant une option de transport collectif rapide et sans carbone ? Ou un TGF moins cher, mais qui ne changera pas nos habitudes de transport, car il n’offre pas de gain de temps ?

Poser la question, c’est y répondre.

En 2025, le gouvernement fédéral – probablement celui de Justin Trudeau – devra choisir.

Et si Pierre Poilievre devenait premier ministre, est-ce la fin du projet de TGV ? Peut-être que je souffre d’un excès d’optimisme, mais je pense que le TGV survivrait à un changement de gouvernement à Ottawa. Premièrement, parce que c’est un projet porteur et très populaire. Comme tous les politiciens, M. Poilievre aime ce qui est populaire auprès des électeurs. Aussi, en Alberta, le gouvernement conservateur de Danielle Smith étudie la possibilité d’un TGV Edmonton-Calgary-Banff. Si Ottawa finance les deux projets, ce serait compliqué politiquement d’en annuler un, encore plus deux.

De toute façon, pour qu’un projet aussi long à réaliser devienne réalité, il faudra obtenir, un jour ou l’autre, l’appui des deux partis politiques aspirant à gouverner à Ottawa.

1. Lisez « Montréal – Toronto en trois heures ou moins » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue
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  • Entre 65 et 80 milliards
    Dans le passé, le gouvernement fédéral a évalué qu’un TGV sur 100 % de la distance Toronto-Québec pourrait coûter entre 65 et 80 milliards de dollars. Un train à grande fréquence circulant en moyenne à 120 km/h (et qui ne dépasserait jamais 177 km/h) pourrait coûter 30 milliards.