S’il y a un sujet qui préoccupe Mylène Drouin, c’est bien celui du sort des aînés. Tout comme le grand public, elle reconnaît que la pandémie nous a braqué en plein visage certaines réalités. « On parle beaucoup des jeunes et comment il faut leur donner les moyens de faire des transformations. Mais de l’autre côté du spectre, comment peut-on redonner une place aux aînés ? »

« Nous ne sommes plus de petites jeunesses, dit Françoise David. Mais à 75 ans, je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens autour de moi qui sont indispensables à la vie de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Ce qui me frappe, c’est le temps que l’on consacre aujourd’hui à s’occuper de ces petits chéris. Ça donne du répit aux parents. »

Je ne sais pas si les gouvernements se rendent compte que si nous n’étions pas là, il y a des familles qui auraient de la misère à fonctionner.

François David

Grand-mère huit fois, Pauline Marois déplore l’absence d’initiatives visant les personnes âgées. « Tu as raison, Françoise, je pense qu’il faudrait des mesures fiscales pour utiliser cette force vive, d’intelligence, de talent, d’imagination pour animer nos écoles ou nos services de garde. »

Admiratrice de Boucar Diouf, Louise Arbour rapporte les propos que le sympathique penseur a tenus au sujet de la ménopause. « Il soulignait que les femmes représentent la seule espèce qui vit très longtemps après la période de reproduction. Chez les animaux, tu meurs après t’être reproduite. Les anthropologues appellent ça le facteur grand-mère. Des études affirment, statistiques à l’appui, que chez les femmes qui ont des filles, celles qui choisissent d’habiter le plus près de leur mère seront celles qui auront le plus d’enfants. Ça démontre l’utilité de la femme plus âgée même si elle n’est plus reproductive. »

Est-ce l’effet du café serré qui est servi, toujours est-il que c’est le moment que Louise Arbour choisit pour afficher un point de vue plus « radical ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Réunion autour d’une table avec la Dre. Mylène Drouin qui recoit Pauline Marois, Louise Arbour et Françoise David. Le fruit de cette rencontre sera publiée dans la nouvelle section Dialogue.

Je pense que les vieux, appelons-les comme ça, devraient, dans une société équilibrée, avoir plus d’influence et moins de pouvoir. Prenez l’exemple du vote sur le Brexit en Angleterre, s’il avait été pour les 65 ans et moins, il n’aurait pas passé.

Louise Arbour

« Ouais, c’est un peu radical, ça », dit Pauline Marois. « J’ai envie d’être un peu provocatrice », réplique Louise Arbour. « D’ailleurs, je suis étonnée que ça vienne si tard dans le repas », ajoute Françoise David, générant des éclats de rire.

Sentant que le sujet donne du piquant à la discussion, Louise Arbour ajoute une couche. « Nous sommes dans des environnements électoraux qui sont dirigés par des gens beaucoup trop âgés. Je vais le dire franchement, je suis beaucoup moins bonne que je ne l’étais. J’avais plus d’énergie et de capacité à m’adapter. Je pense que si on laissait davantage de pouvoir aux jeunes, j’ai confiance qu’ils s’occuperaient plus de nous autres. »

« Écouter les jeunes »

Les réalités de la jeune génération comme la question des personnes trans, queers ou non binaires alimentent des échanges que Françoise David a avec ses amies. « J’ai décidé qu’avant de me sentir malheureuse, je vais commencer par écouter les jeunes. »

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Françoise David prend la parole.

Je pense que c’est une chose que les aînés devaient faire davantage, porter moins de jugements et écouter plus. Pour le moment, je reste sur mon quant-à-soi. Je suis incapable de me prononcer. Et ce n’est pas un défaut. On a le droit de dire : je ne sais pas.

Françoise David

Le contact avec les jeunes est le moyen que Pauline Marois a trouvé pour ne pas se sentir déconnectée des réalités actuelles. « Je suis impliquée dans Forces avenir, une organisation qui reconnaît l’engagement étudiant et des projets qui concernent l’environnement, l’entraide, la mise en place de coopératives ou la défense des LGBTQ+. C’est exceptionnel ! Ce sont les leaders de demain. »

La rencontre tire à sa fin. Mylène Drouin prend la parole pour remercier ses trois invitées d’avoir pris le temps de venir échanger sur de grands enjeux. Elle est émue. « J’ai eu l’impression que nous nous connaissions depuis longtemps. »

« En effet, l’autre jour à la radio tu as recommandé quelques titres de polars et je les avais tous lus », dit Pauline Marois.

« Et moi, je t’ai entendue dire que ta chanson préférée des Cowboys Fringants, c’était L’Amérique pleure, ajoute Louise Arbour. J’ai dit : “Ben voyons, c’est la mienne !” »

« La question qu’j’me pose tout l’temps/Mais que feront nos enfants/Quand il ne restera rien/Que des ruines et la faim ?/C’est si triste que des fois quand je rentre à la maison/Pis que j’parke mon vieux camion/J’vois toute l’Amérique qui pleure/Dans mon rétroviseur »