De 2002 à 2012, au début de septembre à l’université, je demandais à mes étudiantes et étudiants si le 11 septembre leur disait quelque chose. La majorité me répondait : « Oui, c’est l’attentat contre les tours de New York par des terroristes islamistes. » Jamais l’un d’entre eux n’a évoqué le coup d’État (golpe) mené par le général Pinochet, appuyé par la CIA, contre le gouvernement socialiste légitime de Salvador Allende, en 1973.

Sans minimiser les conséquences désastreuses des attentats des tours aux États-Unis d’Amérique, celles du golpe sont encore plus terribles : 1 million d’exilés, près de 3000 personnes tuées, dont plusieurs disparues, près de 50 000 personnes emprisonnées pour des motifs politiques et plus de 27 000 personnes torturées durant la dictature, qui s’est prolongée jusqu’en 1990.

Ce coup d’État dans la partie sud de l’Amérique latine a suivi celui de l’Uruguay et précédé celui de l’Argentine. Les conséquences humaines, culturelles, politiques et économiques se sont fait sentir dans ces pays durant des décennies. Malgré cela, on en parle peu.

Création du Comité Québec-Chili

Moi, je m’en souviens comme si c’était avant-hier. Le 11 septembre 1973, mon père, Michel Chartrand, président du Conseil central des syndicats nationaux (CSN), Jean Ménard, un prêtre ayant vécu de nombreuses années au Chili et revenu au Québec peu avant le golpe, et moi nous sommes dit : « Il faut faire vite quelque chose. » Nous avons donc organisé une rencontre le 19 septembre. Ce fut la fondation d’un comité de soutien à la résistance populaire du peuple chilien, le Comité Québec-Chili, pour informer et mobiliser le plus de monde possible partout au Québec.

Ce que nous recherchions, c’était d’une part informer et faire réfléchir les Québécois sur les grands enjeux politiques et économiques de la planète et, de l’autre, soutenir ceux et celles qui, au Chili, résistaient. Avec le Chili, on avait un exemple de l’impérialisme américain armé qui intervient contre un peuple qui s’est donné un gouvernement démocratiquement.

Nos premières actions ont vraiment eu de l’impact : très rapidement, plein de gens ont décidé de participer au comité à Montréal ou d’en créer un dans leur ville. On travaillait avec les personnes impliquées dans les CLSC, les syndicats, les universités, les organisations populaires, et on mettait des heures et des heures pour le Comité, le soir ou les fins de semaine.

Pour plusieurs, c’était la première fois qu’ils étaient sensibilisés à la nécessité de la solidarité avec un autre peuple et cela renforçait leur volonté de se battre pour tous les opprimés du Québec et d’ailleurs. Plusieurs ont travaillé à la publication du Bulletin d’informations Québec-Chili, dont 37 numéros sont parus de 1973 à 1979, avec de 1500 à 3500 exemplaires chaque fois. On a mené des campagnes pour la libération de prisonniers politiques, notamment celles pour six femmes militantes emprisonnées, dont la sœur du président Allende. Nous avons tissé des liens avec d’autres comités de solidarité avec le Chili, au Canada et en Europe.

Je pense que le mouvement québécois de solidarité avec le peuple chilien a été le plus important mouvement internationaliste dans le Québec d’après-guerre. Mais, si on n’en parle pas à l’école, à l’université, dans les syndicats et dans les médias, qui s’en souviendra ?

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue