Le 19 septembre, lors de la 78Assemblée générale des Nations unies, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté les dirigeants à dénoncer l’invasion russe et à soutenir la résistance ukrainienne. Le chef d’État a également profité de son voyage sur le sol nord-américain pour rencontrer Joe Biden et les élus du Congrès des États-Unis, ainsi que Justin Trudeau et les membres du Parlement canadien, à Ottawa.

Dans ses plaidoyers, Zelensky a sollicité, une fois de plus, le soutien de ses alliés, particulièrement celui des Occidentaux, qui lui ont fourni, jusqu’à présent, la majorité de l’aide économique et militaire. La situation sur le terrain en Ukraine et les réserves croissantes quant au soutien financier et militaire apporté à Kyiv illustrent à la fois l’importance de la diplomatie d’influence de Zelensky et les défis qui l’attendent si la guerre continue de s’éterniser.

Une contre-offensive moins rapide que prévu

La visite de Zelensky rappelle notamment à quel point l’Ukraine dépend de l’appui occidental pour poursuivre sa nouvelle contre-offensive, commencée en juin 2023 et dont les avancées se révèlent plus lentes que prévu.

Les troupes ukrainiennes avaient certes réussi des percées cruciales depuis février 2022, repoussant par exemple les troupes adverses dans l’est et le sud-est du pays lors des contre-offensives ukrainiennes de Kherson et de Kharkiv entre fin août et début septembre 2022. Or, les troupes font maintenant face à des lignes de défense russes beaucoup plus robustes. Celles-ci se trouvent sur le territoire du Donbass, partiellement occupé par la Russie et des forces prorusses depuis 2014, ainsi que dans des régions proches de territoires russes, biélorusses et de la Crimée, également occupée depuis 2014. Cet avantage géographique pour Moscou explique la solidité des fortifications érigées par les Russes et les difficultés subies par l’Ukraine.

Dans un contexte où les avancées militaires coûtent toujours plus cher en vies humaines et en matériel, le président Zelensky a rappelé à ses alliés l’importance de leur soutien, et les raisons justifiant sa poursuite, voire son intensification. Car l’évolution de la récente contre-offensive pourrait définir la capacité de l’Ukraine à reprendre le contrôle de son territoire.

Effritement du soutien international ?

Les allocutions du président Zelensky en Amérique coïncident avec une stagnation, voire une baisse de l’appui envers l’Ukraine, notamment chez certains élus républicains du Congrès des États-Unis. Ce déclin se dessine alors que le président Joe Biden souhaite faire adopter, par le Congrès, dans le prochain budget, une aide supplémentaire à Kyiv de 24 milliards de dollars. Même si l’opinion publique américaine sur l’appui à l’Ukraine s’avère assez constante, la manœuvre semble délicate. En effet, certains élus républicains proches de Donald Trump jugent préférable de ne pas faire de compromis avec les démocrates sur le budget. Cette impasse pourrait avoir pour conséquence de compromettre l’aide financière à l’Ukraine.

Le soutien s’érode aussi chez certains alliés européens comme la Pologne, poids lourd de l’aide militaire à l’Ukraine, qui a annoncé la fin de tout transfert d’armement. Le président polonais Andrzej Duda, à la tête d’un gouvernement d’extrême droite, tente actuellement d’instrumentaliser le conflit ukrainien pour faire des gains auprès d’une partie de son électorat, de plus en plus réticente à appuyer l’envoi de matériel militaire à Kyiv. À cet effet, une des stratégies de Duda est de reprocher à l’Ukraine son manque de reconnaissance du rôle des Polonais dans sa défense contre l’envahisseur russe. Certains élus républicains recourent d’ailleurs à une stratégie semblable pour justifier leurs réserves envers Zelensky.

Au Canada, l’opinion publique est, globalement, favorable à un appui à Kyiv. La contribution canadienne est, néanmoins, bien moindre que celles des États-Unis, de l’Allemagne ou de la France. À titre indicatif, le Canada se classe au 12rang en ce qui a trait aux promesses d’aide militaire, matérielle et financière faites à l’Ukraine – derrière le Danemark et devant la Suède. D'ailleurs, des experts en politique extérieure canadienne demandent au gouvernement de Justin Trudeau d’en faire davantage dans ce conflit.

Un soutien de plus en plus difficile à justifier

Malgré l’héroïsme des troupes ukrainiennes, les avancées modestes de la récente contre-offensive ukrainienne, conjuguées aux besoins croissants et constants de transferts économiques et militaires, compliquent les arguments des politiciens cherchant à défendre le soutien à l’Ukraine auprès de populations toujours plus soucieuses de leur propre situation socioéconomique. Toutefois, les sondages montrent que l’appui à l’Ukraine chez les alliés occidentaux semble se maintenir, même si aucun pays n’est à l’abri d’un revirement de situation. L’effritement de ce soutien se cantonnerait donc, pour l’instant, à certains élus politiques qui alimentent le scepticisme à l’endroit de l’Ukraine dans le but de faire des gains politiques. Lors de son passage à Washington, Zelensky a néanmoins tenu à rencontrer certains de ces élus américains réfractaires « derrière des portes closes », optant ainsi pour une approche pragmatique.

Dans un contexte où la défense de l’Ukraine contre l’envahisseur russe est plus difficile à « vendre » qu’auparavant, cette visite nord-américaine aura permis au président Zelensky de rappeler que l’Ukraine ne défend pas uniquement sa souveraineté territoriale et son droit d’exister ; elle se bat également pour les valeurs démocratiques et libérales sur lesquelles s’est construit l’ordre international – dominé par les États-Unis et l’Occident – et que les États démocratiques se targuent de vouloir protéger.

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