En campagne depuis 2018 pour la mise en place d’un régime public et universel d’assurance médicaments, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) estime, contrairement à ce que pensent certains, qu’il ne s’agit pas d’une dépense, mais plutôt d’un investissement rentable pour le Canada et le Québec.

Pour la FTQ, un tel régime est le strict minimum pour une société aussi riche que la nôtre. Les médicaments ne sont pas un bien dont on peut se priver. Un sondage commandé par un de nos syndicats affiliés (SCFP-Québec) en avril 2022 est révélateur : 11 % des personnes interrogées n’ont pas acheté leurs médicaments en raison des coûts et 21 % ont mentionné avoir sauté des doses pour économiser. Ces situations touchent particulièrement les personnes âgées et les personnes à faible revenu. Tout ça alors que les coûts augmentent de façon incontrôlable et que les profits des entreprises pharmaceutiques explosent. Dans les milieux de travail, les augmentations de salaire sont grugées par l’augmentation de la couverture d’assurance médicaments. Dans certains cas extrêmes, des groupes se départissent de leurs assurances collectives.

Pourquoi tous les pays ayant un système public et universel d’assurance maladie ont-ils choisi d’inclure les médicaments, mais ce ne serait pas une bonne idée pour le Québec et le Canada alors qu’il existe un très fort consensus dans la population et parmi les personnes expertes concernant un régime public et universel ? Depuis que l’idée fait son chemin, certains lobbys en profitent pour agiter des épouvantails : les coûts trop élevés, les contributions des employeurs, le partage des compétences ainsi qu’une mise en œuvre trop rapide. Regardons chacun de ces arguments de plus près.

Parlons d’argent. Pour ce qui est des coûts, toutes les évaluations sérieuses démontrent qu’avec un plus grand rapport de force, il est possible de réduire considérablement les coûts des médicaments par la force des négociations en front commun des gouvernements.

Pour la FTQ, mettre sur pied un nouveau régime public ne constitue pas un coût. Il entraînerait plutôt des bienfaits pour l’ensemble de la population, dont des économies pouvant aller jusqu’à 4 milliards de dollars annuellement pour le Québec seulement. Imaginez les économies pour le reste du pays !

Pour ce qui est des assurances collectives privées, pourrait-on tout simplement remplacer les primes privées des employeurs par une prime publique ? Si seulement il existait déjà une telle cotisation… comme celle pour les fonds de service de santé qui s’applique à la masse salariale de chaque employeur ? Ce serait bien trop simple !

Rapports d’experts

Les craintes d’un régime conçu trop rapidement ne tiennent pas la route. Nous ne comptons plus les rapports de personnes expertes qui non seulement appuient l’idée d’un régime public et universel, mais qui détaillent aussi la manière de le mettre en œuvre. En 2019, le rapport Hoskins, très complet d’ailleurs, a mis de l’avant une feuille de route tout à fait crédible et réaliste. Avec de la volonté politique, on serait capable d’y arriver, peut-être pas en un claquement de doigts, mais en quelques années. Est-il réaliste de penser que des problèmes d’une telle envergure peuvent se régler de manière instantanée ?

Quant au partage des compétences, il s’agit d’un prétexte bien utile pour justifier le statu quo. Quand on regarde de plus près, on constate que le Québec collabore déjà beaucoup avec le fédéral et les autres provinces pour négocier le prix des médicaments. Il serait tout à fait possible de poursuivre cette collaboration. Si le Québec souhaite recevoir des transferts fédéraux, il devrait au moins mettre sur pied un régime équivalent ou supérieur à ce qui sera offert dans les autres provinces.

Les gouvernements sont devant une occasion historique de réduire les dépenses en médicaments tout en favorisant la justice sociale. Il ne faut pas la rater, encore une fois.