La crise du logement a ramené les enjeux d’immigration au premier plan. Mais le débat actuel semble se cristalliser – une fois de plus – autour d’une seule question : le Canada et le Québec accueillent-ils trop d’immigrants ?

La forte augmentation du nombre de résidants temporaires a révélé plusieurs incohérences dans les politiques d’immigration. Il y aurait tout avantage à ce que les efforts, à Ottawa et à Québec, pour encadrer l’arrivée de ces résidants soient mieux planifiés et communiqués. On éviterait ainsi de donner une impression de chaos qui attise les inquiétudes de la population.

Vases communicants

Alors qu’historiquement, les nouveaux arrivants étaient presque exclusivement des immigrants permanents qui débarquaient directement de l’étranger, aujourd’hui la réalité est tout autre. D’une part, une grande partie des nouveaux détenteurs d’une carte de résidant permanent étaient en réalité déjà établis sur le territoire canadien (donc a priori déjà logés) pour y travailler ou pour y étudier. D’autre part, le nombre de résidants temporaires accueillis au Québec en 2023 était trois fois plus important que celui des résidants permanents.

Contrairement à l’accueil des immigrants permanents, l’arrivée des résidants temporaires n’est pas soumise à des seuils.

Leur sélection n’est pas non plus déterminée par des critères uniformes : ils sont soit préalablement admis par un collège ou une université, soit invités par un employeur québécois, soit – et ce, de plus en plus – arrivés au pays pour y demander l’asile.

Résultat : les programmes d’immigration sont des vases communicants difficiles à démêler. Définir un chiffre qui permettrait d’intégrer correctement l’ensemble de ces nouveaux arrivants n’est donc pas tâche facile. Pourtant les débats sur l’immigration se limitent souvent à cette seule question de seuil.

Des enjeux distincts

Autre écueil dans le débat actuel : ne pas faire la distinction entre les enjeux d’immigration auxquels le Québec doit faire face et ceux du reste du Canada. Oui, le nombre de nouveaux immigrants n’a jamais été aussi élevé tant au Québec qu’ailleurs au pays, mais les enjeux rencontrés sont totalement différents.

D’abord, la politique d’immigration permanente du Québec se distingue clairement de celle du fédéral qui, en passant, a bien plus de prérogatives sur les autres provinces.

L’afflux de nouveaux résidants permanents représentait en 2023 moins de 0,6 % de la population totale au Québec tandis que ce nombre s’élève à 1,1 % dans l’ensemble Canada.

Surtout, le fédéral planifie augmenter ces seuils jusqu’en 2025 alors qu’ils devraient demeurer inchangés au Québec. Les défis, tout comme les avantages potentiels, d’une croissance rapide de la population touchent donc davantage le reste du Canada.

Notons également que si le nombre d’étudiants étrangers s’est accru rapidement dans l’ensemble du Canada, l’afflux y est plus important (0,5 % de la population totale) qu’au Québec (0,2 %). Depuis 2022, le Québec a adopté une série de mesures pour mieux contrôler leur admission, notamment dans les collèges privés.

Demandeurs d’asile

Enfin, un des défis qui touchent particulièrement le Québec est l’accueil des demandeurs d’asile qui s’est accru considérablement au cours des dernières années. En 2023, 43 % de tous les demandeurs entrés au pays ont transité par le Québec. Les solutions se trouvent en revanche davantage du côté d’Ottawa puisqu’il s’agit d’enjeux de contrôle aux frontières, d’accords internationaux et de partage de responsabilités à l’échelle de la fédération.

Côté main-d’œuvre, le Québec – tout comme le Canada – accueille de plus en plus de travailleurs étrangers. Il est évident que les entreprises et le secteur public continueront d’avoir recours aux travailleurs temporaires, que nos universités ont besoin des étudiants étrangers pour maintenir leur excellence et qu’une société riche comme le Québec a le devoir d’accueillir des réfugiés.

Il est aussi évident que dans les villes où l’offre de logements était déjà insuffisante, de nouveaux résidants peuvent accentuer les pressions. Mais comprendre les dynamiques de l’immigration actuelle est essentiel pour définir de meilleures politiques, et impliquer l’ensemble de la société, sur ce qui a toujours fonctionné : l’accueil, l’intégration au marché du travail et la francisation.

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