Le père Noël a apporté une PlayStation 4 durant le temps des Fêtes. Alors j’ai installé une petite pièce de jeux dans le sous-sol et j’ai acheté une télé. Rien de compliqué, j’ai pris une télé pas chère. De base.

Les enfants étaient excités. Ils ont dû jouer pendant au moins deux-trois heures. Mais après quatre-cinq heures, ma blonde s’est inquiétée : « Ils jouent encore à des jeux vidéo ? » Après vérification : « Non, lui dis-je. Ils regardent la télé. » Ma blonde me regarde à nouveau, mais d’un air perplexe : « Tu as branché le câble sur la télé en bas ? »

Il se trouve que même la plus nunuche des nouvelles télés est devenue relativement intelligente. « Non, chérie, je n’ai pas branché le câble sur la télé en bas. Mais il y a Netflix, Prime Video, Disney… et YouTube qui sont déjà installés dessus. »

C’est comme ça, les nouvelles télés, maintenant. Plus besoin du câble. De quoi passer des heures, des jours, des semaines entières sans visionner le moindre contenu produit ici, au Québec.

Ma job de jour, c’est facteur. Jusqu’à l’année passée, je livrais encore quelques TV Hebdo à de fidèles abonnés. Depuis quelques mois, il ne reste plus que madame Lisette à qui je le livre. Je me demande parfois ce que ça signifiera lorsque j’aurai livré le dernier TV Hebdo. Certains vont me traiter de nostalgique. « Le TV Hebdo ? Vraiment ? Come on ! T’ennuies-tu des Pages Jaunes aussi ? » Je ne m’ennuie pas des Pages Jaunes, non. Mais je remarque quand même ceci : quand il y avait les Pages Jaunes, bien, on s’appelait. Puis maintenant, on ne s’appelle plus : on se courrielle ; on se chatte ; on se MP sur Messenger ; puis on s’envoie des textos.

Ok, mais quel est le rapport avec le TV Hebdo et le câble ? Le rapport, c’est qu’avec le câble, on se voyait. Ce n’était pas toujours de grandes choses qu’on regardait ensemble, des petits moments, La petite vie, quoi. Mais on avait un aperçu de qui on était. Une espèce de reflet qui nous permettait d’en rire ou d’en pleurer ; de s’en chicaner, de s’en raconter. De s’appeler, pour en discuter.

Mon fils est remonté du sous-sol : « Papa, papa, ça va être top, la PS4 ! J’ai vu un mec jouer, il était trop aggro et il a fini par se faire ban ! Askip, il faut pas gamer comme ça ! » Non seulement il me dit tout ça comme ça, sans que j’y comprenne grand-chose, mais il me le dit avec un pseudo accent français.

« Tu écoutais quoi, en bas ?

— Oh, juste un mec français qui gamait sur YouToube, pourquoi ?

— Chérie ! Chéééééérie !

— Quoi, bon sang ?

— Je pense que je vais brancher le câble sur la télé du sous-sol, finalement. »

Le problème n’est pas la fin imminente du TV Hebdo. C’est le détournement de toute une industrie. Une industrie culturelle qui se voulait distinctive. Un peu de qui nous sommes.

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