Le projet de loi 37 créant le poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants fait désormais l’objet d’une étude article par article à l’Assemblée nationale du Québec. La création de ce poste figurait comme une des principales recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ).

Parrainé par le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, ce projet de loi vient ajouter un élément significatif et positif dans la vie des enfants, des jeunes et des adultes qui les entourent.

L’intention avouée et répétée verbalement par le ministre quant à la mission du commissaire ne fait pas de doute : elle sera avant tout d’ordre préventif. Cependant, le texte du projet de loi manque singulièrement de clarté à ce sujet.

Le mot clef que l’on devrait retrouver très explicitement dans ce projet de loi devrait être prévention, prévention, prévention.

Or, la référence à la prévention y est plus que discrète. Elle se manifeste une seule fois, et bien timidement, dans le préambule du projet de loi, puis est complètement évacuée par la suite. Le projet manque une belle et unique occasion de marteler cette absolue nécessité d’un meilleur leadership en matière de prévention et de faire un pied de nez à toutes ces incantations vaines à la prévention que l’on entend à chaque fois qu’il y a un dérapage, une cassure, un droit lésé, un drame sans pour autant que l’on puise clairement identifier comment et par qui on pourrait assurer un meilleur système en prévention notamment et surtout dans le domaine de la maltraitance envers les enfants. La loi devrait très clairement offrir au commissaire un rôle de guide, de leadership en cette matière.

Objectifs nationaux et régionaux

Notamment, cette loi devrait indiquer que le commissaire a la responsabilité de veiller à ce que les autorités compétentes, soit le directeur national de santé publique et les directeurs régionaux, fixent annuellement des objectifs nationaux et régionaux en matière de bien-être des enfants, particulièrement en ce qui a trait à la réduction de la maltraitance avérée envers les enfants, et en assurent le suivi. Sans objectifs de prévention clairs et connus de tous, le risque est grand que le commissaire porte quasi exclusivement son attention sur les soins et services curatifs, sur les services de protection de la jeunesse, ceux qui font la manchette de nos médias quand plus rien ne va.

Pourquoi donc confier aux directeurs de santé publique la tâche de définir des objectifs régionaux de prévention de la maltraitance envers les enfants ? D’abord, rappelons que la CSDEPJ a très clairement reconnu la maltraitance envers les enfants comme un enjeu de santé publique. Les directions de santé publique peuvent directement engager leurs pouvoirs d’intervention à cet égard. La Loi sur la santé publique, article 55, leur reconnaît en effet ce pouvoir de rassembler les services publics concernés lorsqu’il y a une menace de morbidité présente dans leur population.

L’examen des données produites par les directeurs de la protection de la jeunesse durant les 30 dernières années démontre on ne peut plus clairement que les taux de maltraitance avérée envers les enfants, et souvent leur nature, varient considérablement d’une région à l’autre ou d’une période économique à l’autre.

Les directeurs de santé publique sont les mieux placés pour orienter et accompagner les services de prévention dans ces contextes variés. Et puis, soulignons-le, le Québec s’est doté d’une Santé publique très compétente. Elle a relevé avec succès des défis que l’on pensait insurmontables notamment en matière de tabagisme, d’accidents mortels de la route, de grossesses précoces.

Par ailleurs, le projet de loi répond à une recommandation de la CSDEPJ créée à la suite du drame de Granby lors duquel une jeune enfant est morte après une négligence grave. Il est étonnant à ce sujet que le projet de loi ne manifeste d’aucune manière une obsession légitime et nécessaire spécifiquement vis-à-vis la réduction de la maltraitance, sous toutes ses formes, envers les enfants. La référence à la maltraitance envers les enfants est totalement absente du texte de loi comme si cet enjeu avait la même importance que celui plus à la mode du temps d’écran, par exemple.

Le projet de loi ne serait pourtant sans doute pas sur la table de cette commission n’eût été ce drame de Granby et le constat répété ad nauseam de l’augmentation constante du taux de maltraitance avéré depuis les années 1990. Nous sommes en mode échec depuis trop longtemps dans ce domaine. Nous n’avons pas le droit d’écarter cette priorité dans nos vies. Prévenir la maltraitance, cela devrait être l’obsession de toute personne occupant le poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

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