Cela a fait cinq ans le 2 mars dernier que notre père est décédé. Médecin de famille pendant 52 ans sur le Plateau Mont-Royal, quartier où il est né et où il a grandi.

Cet homme a soigné de nombreuses familles, a accouché plusieurs femmes dont il a vu les enfants devenir parents à leur tour et a veillé sur de nombreuses personnes âgées à domicile. On parle ici d’un quartier pauvre, démuni, avant l’embourgeoisement.

Il a commencé sa pratique à une époque où le régime d’assurance maladie n’existait pas et où les accouchements se faisaient à domicile le jour comme la nuit. Beaucoup de services ne lui ont jamais été payés, car ses patients n’en avaient pas les moyens.

Voilà une idée de sa semaine type, variée au fil du temps, mais toujours aussi chargée : chaque matin, il faisait des consultations à l’hôpital ou dans une industrie ; chaque après-midi et trois soirs par semaine, il recevait ses patients dans son bureau privé (sans collègue ni secrétaire pour l’épauler) ; s’ajoutaient à cela une journée complète de visites à domicile et une autre la fin de semaine à remplir des formulaires de tout ordre (CSST, assurances, résumés de dossier). Ajoutons à cela seulement deux petites semaines de vacances par année à « balconville » pour ne pas « laisser trop longtemps ses patients sans service » !

Il lui est arrivé mille et une aventures au travail… comme la fois où un homme en « manque » l’attendait en fin de soirée dans la salle d’attente vide de son bureau pour exiger des narcotiques… ou comme celle où un accouchement à domicile se déroulait mal et que le père en état d’ébriété lui avait dit qu’il ne sortirait pas vivant de la maison s’il arrivait quelque chose à son bébé ou à sa femme…

Un homme bon

Notre père n’était pas un de ces grands hommes qui font les manchettes pour les grands exploits qu’ils ont accomplis. Non, mais il a fait beaucoup mieux et c’est aussi digne de mention.

C’était un homme bon, généreux et très humble. Médecin respecté et apprécié, il ne vivait que pour ses trois filles et ses deux petites-filles. Son « harem », comme nous l’appelions, a su l’entourer de bons soins et de beaucoup d’amour dans les dernières années de ses pertes d’autonomie.

Nous avons essayé de lui remettre un tout petit peu de tout ce qu’il a donné à ses proches et à ses chers patients. Si nous sommes maintenant des adultes honnêtes, respectueuses et empathiques, c’est beaucoup grâce à cet homme si merveilleux qui nous manque cruellement.

Notre seul regret, c’est qu’il n’ait pas connu son arrière-petit-fils qui est né juste au début de la pandémie ; malheureusement, notre père nous avait quittés le 2 mars 2019.

« Lorsque quelqu’un que vous aimez devient une mémoire, la mémoire devient un trésor ! » (auteur inconnu)

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