(Mangu) Un conducteur de moto-taxi mécontent que du bétail lui coupe la route : la scène, apparemment banale, a dégénéré en une flambée de violence dans le centre du Nigeria, en proie à des rivalités intercommunautaires souvent meurtrières.

Cette bagarre entre le motard et des éleveurs a eu lieu le 22 janvier dans l’État du Plateau, dans des circonstances encore floues, et a donné lieu à une escalade de représailles exacerbées par un contexte hautement inflammable.

Des jeunes en colère ont attaqué une communauté d’éleveurs, un village chrétien voisin a été saccagé et pour la première fois, la violence s’est propagée des zones rurales au centre de la ville de Mangu.  

Lorsque le calme est revenu, on dénombrait environ 55 morts, des milliers de personnes déplacées et des maisons, écoles, églises et mosquées réduites en cendres, selon la Croix-Rouge et les habitants.  

Cette région avait déjà été le théâtre à Noël de massacres massifs, une vingtaine de villages ayant été attaqués, mis à sac et brûlés par des hommes armés, faisant près de 200 morts et des milliers de déplacés.

Depuis, des violences meurtrières éclatent régulièrement dans cette région située à la limite entre le nord du pays majoritairement musulman et le Sud principalement chrétien.  

La plupart des conflits dans cet État trouvent leur origine dans les tensions foncières entre les éleveurs peuls musulmans et les agriculteurs Mwaghavul (chrétiens) ou haussas (musulmans), alors que l’impact du changement climatique menace les moyens de subsistance agricoles.

Les affrontements de janvier ont montré la rapidité avec laquelle les tensions s’embrasent dans une région où les communautés sont de plus en plus en désaccord sur la gestion des ressources naturelles.  

Ces tensions sont accentuées par la présence, dans les États voisins, de bandes armées connues localement sous le nom de « bandits », qui procèdent à des enlèvements massifs contre rançon et pillent les villages.

« Beaucoup de facteurs déclenchent des conflits dans le Plateau, certains sont ethniques, d’autres concernent les éleveurs et les agriculteurs et d’autres encore les bandits », explique Nuruddeen Hussain Magaji, directeur de la Croix-Rouge nigériane pour le Plateau, qui travaille dans la région depuis vingt ans.

Récits contradictoires

Le Plateau, composé de plaines faciles d’accès, est une région riche en terres agricoles et en pâturages, parsemée de villages aux toits en tôle ondulée et aux murs de briques.

D’anciens trous miniers et de petites carrières constituent des réservoirs d’eau presque toute l’année.

La capitale de l’État, Jos, est connue sous le nom de « ville de l’étain », en référence au passé minier de l’État qui ne compte désormais quasi plus que des petites mines artisanales sans permis.  

Selon le commissaire à l’Information de l’État, Musa Ibrahim Ashoms, l’accaparement des terres est un problème croissant et une centaine de petits villages sont désormais occupés par des personnes non originaires de la région.

« Ceux qui attaquent les villages veulent récupérer les terres. On nous a dit qu’il y avait des minerais dans la zone, alors ils tuent les gens, les chassent et s’emparent de leurs propriétés », explique-t-il à l’AFP.  

« Les gens ne se font plus confiance, il y a désormais des clivages ethniques et religieux », précise-t-il.  

Markus Enoch Gumawesh, responsable national de la Maghuwal Development Association, un groupe essentiellement chrétien, blâme les éleveurs peuls dont les troupeaux paissent dans ces terres convoitées.

« Tout a commencé à cause des milices peules, nous avons essayé de les contrôler pour les empêcher d’atteindre la ville de Mangu… C’est de l’autodéfense », justifie-t-il.

Selon lui, la crise actuelle a commencé en avril 2023 par une attaque qui a fait 100 morts.

Garba Abdullahi, de l’association peule Gan Allah Fulani Development Association of Nigeria (GAFDAN), explique que les récents troubles qui se sont propagés de l’arrière-pays à la ville de Mangu sont le fait d’éleveurs qui tentent de mettre un terme au vol de bétail.

« De nombreuses personnes de notre communauté ont été contraintes de quitter plusieurs villages de la zone de Mangu », souligne-t-il.

À Mangu même, les deux communautés sont encore sous le choc de la violence qui a secoué cette ville longtemps connue pour sa coexistence pacifique.

« Nous vivions en paix », se rappelle Aisha Mohamed, 50 ans, dont la maison a été détruite. « Nous faisons partie du même peuple, notre seule différence est la religion ».