Il y a de quoi s’ennuyer de la science de Jacques Parizeau quand on constate la position actuelle du chef du Parti québécois, qui souhaiterait créer une nouvelle monnaie nationale dans un Québec souverain.

Le Parti québécois mène actuellement dans les sondages, devenant ainsi le premier parti à faire bouger les aiguilles politiques au Québec depuis cinq ans. On ne s’en plaindra pas.

En corollaire, cette ascension exige de tomographier les intentions du parti et de son chef. C’est le tribut du succès.

Cela a été dit et écrit, le chef du PQ ne cache pas son jeu quant à l’indépendance, jusqu’à maintenant. Il a compris qu’il devait impérativement récupérer la clientèle souverainiste pour que son parti survive.

Mais PSPP vit dangereusement. Si courir après le trouble veut dire quelque chose, ça doit ressembler à ça : vouloir créer une nouvelle devise québécoise, en même temps qu’un nouveau pays, au XXIe siècle, en Amérique du Nord.

L’automne dernier, quand on lui a rappelé que René Lévesque et Jacques Parizeau ont toujours refusé d’abandonner le dollar canadien dans un Québec souverain, il a déclaré que cela n’avait rien à voir, que le contexte économique n’était plus du tout le même, parce que nous serions dans une économie standardisée à l’échelle internationale.

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques Parizeau, en 1995, année du deuxième référendum sur la souveraineté du Québec

Je m’imagine « Monsieur », comme on appelait Jacques Parizeau, à l’époque, entendre cela et expliquer les mystères de la vie à l’inconvenant. Et Monsieur l’aurait fait « les deux doigts dans le nez », une de ses expressions alors qu’il était ministre omnipotent des Finances à Québec.

PSPP parle d’une économie qui se serait métamorphosée en moins de 30 ans. La belle affaire ! Évidemment, en 1996, c’était au siècle dernier, l’économie de charrette de ce temps-là, c’est la préhistoire. Le XXIe siècle, les petits pères, arrivez en ville ! On fait maintenant dans le transnational, tout est interrelié.

OK, mais pourquoi on deviendrait souverain alors ?

Pour des raisons culturelles ?

Ben oui, c’est comme ça que je l’ai toujours compris : la langue, la culture, et tout et tout !

Alors répétez-le, et cessez de nous faire croire que notre économie va swinger la bacaisse dans l’fond d’la boîte à bois, et stratosphérer dans l’heure suivant la déclaration d’indépendance !

Les ténors de la souveraineté se sont toujours dits en faveur de conserver le dollar canadien dans un Québec indépendant lors des deux référendums au Québec sur la question.

En tout cas, moi, j’ai voté deux fois « oui » sur cette base-là.

Heureusement, PSPP a semblé plus ouvert à la fin de la dernière session parlementaire, en expliquant qu’il demeurait ouvert au dollar canadien et que la réflexion se continuait jusqu’à la production d’un livre bleu, sur lequel voteront les instances du Parti québécois en 2025.

Souvenons-nous qu’une monnaie est fondamentalement un vecteur de l’expression de confiance en un système politique et économique. On ne peut pas décider de créer une nouvelle monnaie comme on commande un extra fromage sur une pizza.

Vous me parlerez d’une autre nouvelle monnaie, l’euro…

Absolument, mais après un processus qui a duré des années, 11 pays l’ont utilisé lors de sa création. Une vingtaine le font actuellement, avec plus de 300 millions d’utilisateurs, 20 ans plus tard, dans une Europe presque unifiée monétairement, avec quelques exceptions.

Mais la zone euro n’a pas été exempte de crises sérieuses pendant ces 20 ans. La Banque centrale européenne est venue plusieurs fois à sa rescousse. Rappelons-nous seulement la crise de la dette publique grecque.

On utilise souvent l’exemple de la Suède et de sa monnaie, la couronne. La petite différence est qu’elle a un historique plus que centenaire, qu’elle est bien ancrée dans l’économie mondiale, dans un pays avec une balance commerciale excédentaire.

Alors qu’un nouvel étalon monétaire québécois serait aujourd’hui utilisé par un État de 9 millions de personnes et compétitionnerait avec les dollars de nos voisins canadiens et américains, dans un nouveau pays qui importe plus qu’il exporte.

Nuances.

Et comprenez-moi bien, cela n’a rien à voir avec ma confiance dans notre économie et le Québec. C’est juste que je préfère l’expertise de Jacques Parizeau à celle de PSPP dans le domaine.

Je ne crois pas que le peuple aurait le goût d’angoisser sur le sort de sa nouvelle devise sur les marchés, avec des spéculateurs qui salivent à la vue d’un nouveau joujou monétaire à faire pirouetter pour s’emplir les poches. Ces traders internationaux n’ont aucune pitié ; le temps d’un dodo et ça peut être la catastrophe au réveil.

Et je doute que la Caisse de dépôt et placement aurait le goût de trop investir nos économies pour soutenir la devise fleurdelysée sur ces marchés. Et il ne faudrait pas s’attendre à ce que la Banque Royale du Canada le fasse à sa place.

Le PQ fera bien ce qu’il veut, mais il sera très facile pour ses adversaires politiques de faire la peau à cette idée de monnaie québécoise : a walk in the park.

Le PQ se ramasserait Gros-Jean comme devant dans un éventuel référendum, parce que ça déchanterait solide dans la population.

Je pense que soumis de cette façon à la population, le projet de souveraineté est appelé à foirer lamentablement et qu’on ne lui aura jamais fait aussi mal !

Bravo, champions !

Entre nous

Ne le prenez pas personnel à Montréal, mais avec Patrick Roy à Long Island, je suis à la veille de me commander de la guenille des Islanders. Un superbe bleu en passant !

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