La pandémie a été sans doute un accélérateur d’adoption des technologies numériques. Tout comme les entreprises, les gouvernements ont dû rapidement évoluer et rendre plus de services accessibles en ligne. Des millions de personnes ont bénéficié d’innovations qui leur ont fait gagner un temps considérable.

Ces progrès rendent incompréhensible le récent recul du Québec sur la signature à distance d’actes notariés, qui, après avoir été autorisée1 par des décrets temporaires et adoptée sans heurts dès le premier confinement, est désormais découragée par la loi. En décidant de privilégier la signature en présence physique du notaire, le gouvernement de François Legault envoie des signaux contradictoires et préoccupants en matière de technologie. La Loi visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l’accès à la justice, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en octobre, permet pourtant des avancées importantes : l’acte notarié technologique, conservé dans un greffe numérique nouvellement créé, devient la norme. Il entérine la signature électronique, reconnue comme plus sûre que la signature manuscrite.

Mais le texte s’arrête à mi-chemin et revient sur les avancées de la pandémie dans l’article 46, en stipulant que la signature à distance des actes sera désormais « exceptionnellement » autorisée par les notaires à une partie qui en fait la demande. On pourra donc signer un document depuis un ordinateur ou un téléphone, mais dans le bureau du notaire !

Ce retour en arrière, déjà décrié2 par la profession, est déconcertant. Il pénalise les personnes à mobilité réduite ou vivant dans des régions éloignées, et contribue à densifier la circulation routière à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique.

Il risque également de décourager certains actes, comme l’enregistrement d’un testament, qui joue pourtant un rôle clé dans le désengorgement du système judiciaire. Et nul doute qu’il ralentira les procédures entourant les transactions immobilières, surtout si l’on veut construire le million de logements supplémentaires dont la province a besoin.

Notre entreprise accompagne les liquidateurs testamentaires dans le long (16 mois en moyenne) et tortueux processus qui les attend pour régler la succession d’un proche. Nous observons chaque jour combien les avancées technologiques disponibles sont utiles pour alléger leur fardeau administratif, dans un des moments les plus douloureux de leur vie.

Des expériences positives

Le gouvernement argue que les opinions divergent beaucoup sur l’acte technologique à distance, et que la pratique n’est ni permise ni courante dans la majorité des notariats de type latin. Pourtant, l’expérimentation entre 2020 et aujourd’hui a été positive au Québec.

Comme l’a souligné la Chambre des notaires du Québec dans son mémoire3 sur le projet de loi 34, une « proportion infirme » des problématiques qui lui ont été rapportées dans les dernières années en lien avec les actes technologiques concernait la signature à distance.

Des groupes de discussions réalisés par la firme Léger pour la Chambre ont également révélé4 que la majorité des participants ayant eu recours aux services de leur notaire à distance et ayant signé de manière électronique recommanderaient le virtuel à leurs proches. Ils n’ont noté aucune différence dans l’établissement d’une relation de confiance.

Les besoins varient selon les individus. Il est important que toute personne désirant signer un document en présence d’un notaire puisse se voir offrir cette option.

Mais le Québec devrait respecter un principe de neutralité technologique et rendre la signature à distance tout aussi accessible.

La population québécoise sait maintenant que des gains d’efficacité sont possibles grâce aux actes à distance. Pourquoi les lui refuser ?

Montrons l’exemple à d’autres États ou provinces en établissant un système équitable où les clients pourront choisir, en toute sécurité, le mode de signature qui leur convient. C’est la meilleure voie pour une province qui se veut innovante et ouverte aux entreprises en technologie.

1. Consultez l’Arrêté numéro 2020-010 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 27 mars 2020 2. Lisez « La fin des signatures à distance provoque la colère des notaires » 3. Lisez le mémoire de la Chambre des notaires du Québec 4. Lisez « L’acte technologique et la signature à distance » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue